Au musée Monova, la rétrospective du chef Dan George résonne avec les luttes autochtones actuelles

On se rappelle ses années de revendication et la vie tumultueuse du chef autochtone Dan George, de la nation Tsleil-Wauatuth en Colombie-Britannique. Le musée Monova de North Vancouver consacre une exposition à l’héritage du célèbre poète, acteur et activiste autochtone, le chef Dan George jusqu’au mois de juin. Au-delà de ses succès hollywoodiens, l’exposition met en lumière ses engagements pour les droits des peuples autochtones et l’héritage qu’il a laissé derrière lui. 

Suzanne Leenhardt IJL – Réseau.Presse – Journal La Source

Deux portraits identiques d’un homme à la longue chevelure, arborant un léger sourire, rappellent les célèbres sérigraphies pop-art de l’artiste Andy Warhol. Il s’agit du chef Dan George, poète, acteur et activiste pour les droits des peuples autochtones canadiens, et l’œuvre est signée Levi Nelson : un artiste-peintre membre de la nation Lil’wat, en Colombie-Britannique.

À la manière d’Andy Warhol, l’artiste peintre Lil’waat Levi Nelson a représenté le chef Dan George | Crédit : Suzanne Leenhardt

Suspendue sur les murs du musée de North Vancouver, elle fait partie de l’exposition “Acteurs du changement : l’héritage du chef Dan George”, visible jusqu’au mois de juin 2024. En mêlant des éléments biographiques du leader autochtone avec d’autres créations artistiques, la rétrospective invite le visiteur à considérer l’héritage d’une telle figure et à questionner ses propres engagements. 

Activiste et star de cinéma

Pour certains, le visage du chef Dan George rappelle le personnage d’Old Lodge Skins dans le western Little Big Man d’Arthur Penn, sorti en 1970. Mais avant de commencer une carrière hollywoodienne et de donner la réplique à Clint Eastwood, sa vie a été ponctuée d’engagements.

Lorraine Fenkner a représenté le chef Dan George dans sa vie quotidienne. | Crédit : Suzanne Leenhardt

À 16 ans, il quitte l’école résidentielle Saint-Paul où il n’a pas le droit de parler sa langue maternelle et où son nom, Geswanouth Slaholt, est anglicisé en Dan George. Pendant vingt ans il exerce le métier de débardeur au port avant de se blesser. En 1961, il succède à son père et prend les rênes de la nation Tsleil-Waututh. “Il a été élu parce qu’il a été un guide et donnait des conseils aux jeunes générations. C’était un leader depuis le début”, souligne Andrea Terron, curatrice de l’exposition. 

C’est au moyen de l’art qu’il déploie son engagement pour les droits des peuples autochtones. En 1967, lors du centenaire de la Confédération, il récite son poème “La complainte de la Confédération” devant 32 000 personnes rassemblées à Vancouver. Les mains croisées derrière le micro, il déclame “sa tristesse pour tous les autochtones” : “Oh Canada […] devrais-je te remercier pour les réserves qui me restent de mes belles forêts ? Pour la perte de ma fierté et de mon autorité, même au sein de mon propre peuple ?”

 “C’est le poème le plus puissant du monde. Le chef Dan George a montré comment on pouvait faire sa place et avoir une tribune”, analyse Andrea Terron qui a imprimé des copies du poème entier pour l’exposition. Quelques années après cet événement, il publie deux recueils de poèmes. Mais ce sont ses débuts au cinéma, qu’il commence à 60 ans, qui donnent une visibilité supérieure à ses combats. 

“Les musées ne doivent pas rester neutres”

Faire résonner la vie du chef Dan George avec les luttes actuelles, c’est l’objectif de la nouvelle curatrice arrivée il y a six mois. Au milieu de la salle d’exposition, elle a installé une immense banderole utilisée par Will George dans la lutte contre le pipeline Trans Mountain en 2018. Et sur le pan d’un mur, une frise chronologique regroupe des dates clés des luttes autochtones : de la « Loi sur les Indiens », en passant par le procès Calder contre la province de Colombie-Britannique en 1973 jusqu’aux excuses officielles de l’Église catholique aux victimes des écoles résidentielles en 2022.

Au centre de la rétrospective du chef Dan George, trône la banderole de Will George au Monova. | Crédit : Suzanne Leenhardt

“Nous sommes sur les terres des peuples autochtones, alors c’est très important de leur donner cet espace, appuie la curatrice. Beaucoup de personnes n’osent pas parler des droits des autochtones mais les musées ne doivent pas rester neutres et sont responsables de créer des liens entre les communautés, alors ayons cette conversation !”. Pour cela, elle a installé dans un coin de la salle un petit bureau au-dessus duquel plusieurs pancartes sont affichées. Les visiteurs sont conviés à s’y asseoir et à écrire leurs propres slogans. Comme une invitation à passer à l’action. 

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