“Quand le film Black Panther est sorti, je me suis sentie fière” : réunis en sommet, des jeunes francophones discutent d’antiracisme

Le Conseil jeunesse francophone de la Colombie-Britannique a rassemblé une soixantaine d’adolescents venus de toute la province pour son sommet annuel. Au programme : ateliers et jeux autour de l’antiracisme.

Suzanne Leenhardt – IJL – Réseau.Presse – Journal la Source

Dans la salle centrale de l’école André Piolat au nord de Vancouver, une soixantaine d’adolescents finissent leurs viennoiseries sur la musique  “Habitué” du rappeur français Dosseh. Il est presque neuf heures ce samedi 16 mars et ils entament la deuxième journée du sommet organisé par le Conseil jeunesse francophone de la Colombie-Britannique, organisme communautaire. Âgés entre 14 et 18 ans, ils sont originaires de plusieurs villes de la province et dorment sur place pendant tout le week-end. L’évènement gratuit est financé majoritairement par le CJFCB. 

Pour cette seconde édition en présentiel, le programme du sommet est axé sur l’antiracisme et les communautés d’appartenance. En prenant des exemples tirés de l’actualité et de la pop-culture, les jeunes adultes définissent des concepts-clés et discutent des représentations collectives. 

Des discours de Trump au film Black Panther

Après avoir diffusé trois vidéos et laissé quelques minutes d’échanges, l’organisatrice de l’évènement Aliyah Datoo questionne : “Comment les représentations de race de ces vidéos vous frappent-elles?”. La première est la chanson du dessin animé Aladdin produit par le studio Disney qui mentionne des “comportements barbares” et véhicule des stéréotypes sur le monde arabe. S’ensuit un extrait du film Black Panther, produit par les studios Marvel et une conférence de presse de l’ancien président américain Donald Trump, dans laquelle il répète avec insistance que la COVID-19 est venue de Chine. 

Quand le film Black Panther est sorti, je me suis sentie fière. Les gens portaient les habits traditionnels de leur pays et postaient des photos sur Instagram”, souligne une jeune femme. Rapidement au fil de la discussion, les jeunes discutent de la métaphore entre le monde fictionnel convoité appelé “Wakanda” et des pays africains dont les ressources en minerais sont exploitées mais ne profitent pas à la population locale. De l’autre côté, le discours de Trump et la musique d’Aladdin suscitent de vives réactions : les jeunes identifient un discours stigmatisant “qui peut faire tellement de dégâts“. 

L’appropriation culturelle et la question de l’intention

Pour la seconde discussion, Aliyah Datoo demande aux jeunes d’essayer de définir la notion d’appropriation culturelle. “L’appropriation culturelle, c’est quand un groupe plus haut dans la hiérarchie sociale utilise des éléments d’une culture opprimée, souvent de façon inapropriée”, avance une jeune femme. Une seconde prend la parole pour évoquer les Premières Nations du Canada et la manière dont “les gens abusent en utilisant leurs habits et leurs bijoux”.

Dans le gymnase de l’école André Piolat, de jeunes adolescents participent à un atelier sur le racisme dans le sport. | Crédit : Keveren Guillou

De fil en aiguille, des questionnements émergent. “Faut pas toucher les choses qui t’appartiennent pas, songe un jeune homme, avant de nuancer, enfin, tu peux toucher, mais faut être reconnaissant”. À côté de lui, Nelly Nadembega partage son expérience personnelle avec le groupe : “Dans mon pays, le Burkina-Faso, il y a des personnes blanches qui sont nées là et avec qui j’ai grandi, qui chantent en mooré, la langue maternelle. Ce n’est pas de l’appropriation culturelle pour moi”, souligne la jeune femme de 17 ans, élève à l’école secondaire Chatelech sur la côte Sunshine. Elle explique faire la différence avec des touristes “qui viennent une semaine et vont porter l’habit traditionnel quand ils reviennent chez eux”, et souligne sans la nommer la question de l’intention. 

L’antiracisme dans le monde du sport

Dans le gymnase de l’école, l’autre partie du groupe participe à un atelier sur le racisme et l’activisme dans le sport. Les deux animatrices, Pascale Marsan-Johnson et Geneviève Poitras, ont étudié la sociologie du sport à l’université et sont passionnées par le sujet. Elles projettent des affirmations sur un écran et demandent aux jeunes de se déplacer, de manière ludique, vers des panneaux “complètement en désaccord”, “un peu en désaccord”, “un peu d’accord”, “complètement d’accord”, pour exprimer leur opinion. La phrase qui suscite des réponses hétérogènes est : “Le sport est accessible à tous”. “Tout le monde peut arriver à atteindre ses objectifs s’il s’en donne les moyens”, affirme un jeune homme. Par les prises de position d’athlètes tels que Colin Kaepernick, LeBron James ou Serena Williams, les animatrices s’ingénient à montrer que les inégalités persistent même dans le monde du sport, porteur d’une image fédératrice. 

La discussion s’oriente alors sur le rôle de chacun pour opérer les changements : arbitres, joueurs, ligues, propriétaires. “Ne parlez pas d’arbitre”, lance un jeune en rigolant, visiblement frustré par des expériences passées. Avant d’ajouter : “C’est vrai qu’il a une pression en plus si la foule soutient la prise de position du joueur”. Entre témoignages personnels et discussions spontanées, le sommet aura laissé la place à des jeunes d’horizons divers de s’exprimer sur des sujets brûlants d’actualité. 

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