Des vignettes colorées et des mangas pour raconter la Côte Ouest par le véhicule de la bande dessinée, et se réapproprier le comics. Présentée jusqu’au 19 mai 2024 à la Galerie Bill Reid, l’exposition XIÁM rassemble le travail de cinq artistes autochtones d’horizons différents autour de la bande dessinée comme médium. Le titre de l’exposition est en langue SENĆOŦEN et signifie « raconter des histoires, en particulier des histoires fictives ou traditionnelles ». Et les œuvres de Jordanna George (T’sou-ke), Michael Nicoll Yahgulanaas (Haida), Gord Hill (Kwakwaka’wakw), Whess Harman (Carrier Wit’at), et Cole Pauls (Tahltan) associent des formes de narration traditionnelles au comics moderne, mais aussi des langues autochtones de la côte nord-ouest et de l’anglais, jouant avec différents supports pour continuer de raconter des histoires et les inscrire dans le présent.
Expressivité
Souvent associées à la culture populaire nord-américaine, les bandes dessinées comics sont pourtant utilisées par de nombreux artistes de cultures différentes, attirés par l’expressivité des petites vignettes colorées et la diversité du médium. Le site de la Galerie Bill Reid rappelle même que ces comics « servent depuis longtemps d’outil aux personnes en marge de la société pour partager des informations, des nouvelles, des expériences vécues, des opinions ou des rires bien mérités. » Et l’exposition XIÁM montre cette grande liberté qu’offre la bande dessinée aux artistes, en rassemblant des dessins, des œuvres numériques, des couleurs, de l’humour pour rendre hommage à cette forme d’expression artistique qui a marqué l’enfance de générations partout dans le monde. « Enfant, je pensais que les bandes dessinées étaient principalement destinées aux garçons blancs en raison de la majorité des œuvres que je voyais […] et du marketing grand public, mais à l’adolescence, j’ai découvert à quel point le monde de la bande dessinée était vaste et j’en suis tombé amoureux », se rappelle Jordanna George, artiste d’héritage T’sou-ke et commissaire d’exposition invité de XIÁM à la galerie. Jordanna George dessine et écrit des bande dessinées comics depuis 2019 et intègre l’apprentissage et la réappropriation de sa langue, le SENĆOŦEN, dans son travail.
Unique
En tant que commissaire d’exposition invité, Jordanna George a travaillé à ce que le public puisse voir les créations modernes et variées des artistes autochtones de la région. « Nous sommes souvent associés au passé et notre art est souvent censé adhérer à des supports et à des styles « traditionnels ». Je voulais souligner qu’en fait, nous travaillons sur tous les supports, et ce, depuis de nombreuses années, et que nos histoires et nos langues peuvent être transmises de nombreuses manières, au-delà de la narration orale traditionnelle et de la sculpture. Nous sommes des êtres à part entière, et notre art l’est tout autant ! », rappelle l’artiste. Ce travail autour de la réappropriation de la bande dessinée comme médium, de son langage et de ses codes, passe également par le talent et la flexibilité des artistes, pouvant développer un style unique, reconnaissable et adapté au format de la bande dessinée avec ses bulles et ses vignettes.
C’est notamment le cas de Michael Nicoll Yahgulanaas, artiste et mangaka Haida, auteur de RED : A Haida Manga, ayant développé son propre style de manga, associant l’expressivité de la bande-dessinée japonaise à la graphie et au bestiaire du formline art utilisé par les artistes de la côte. « J’ai adoré entendre Michael Nicoll Yahgulanaas parler de l’importance fondamentale de la bande dessinée et de la façon dont il distingue les bandes dessinées occidentales de ses mangas haïdas », ajoute le commissaire d’exposition.
Premier contact
L’œuvre murale JAJ de Michael Nicoll Yahgulanaas fait partie des œuvres exposées dans XIÁM. Cette peinture fait face à une autre œuvre de Michael Nicoll Yahgulanaas intitulée Craft, de l’autre côté de la galerie, qui est une barque suspendue en permanence dans l’espace, faisant montre de la grande envergure de l’artiste.
JAJ, le récent travail de l’artiste Haïda attire le regard par sa taille, mais aussi par l’attention au détail du mangaka. Dans JAJ, les petites vignettes de mangas, visibles de près, se fondent dans le motif de l’œuvre murale pour donner plus de profondeur au travail de l’artiste. Disponible également sous forme de livre, JAJ raconte l’histoire du premier contact entre les Européens et les peuples autochtones de la côte Ouest. Dans ce manga, si les panneaux de chaque page sont retirés et assemblés pour ne former qu’une seule image, ils forment une grande image rappelant un habit tissé.
En tant que commissaire d’exposition invité, mais aussi en tant qu’artiste et auteur de bande dessinée, Jordanna George souhaite que le public puisse apprécier l’humour des œuvres les plus légères, mais aussi l’incroyable attention portée aux détails de certaines œuvres, ainsi que la patience des artistes. « J’espère surtout qu’ils repartiront avec l’envie de lire d’autres bandes dessinées de créateurs autochtones moins connus, et de créateurs de couleur en général. »
Pour plus d’informations sur l’exposition, visitez : www.billreidgallery.ca/blogs/exhibitions-page/xiam
Pour plus d’information sur Jordanna George, visitez : www.jordannageorge.com
Pour plus d’informations sur Michael Nicoll Yahgulanaas, visitez : www.mny.ca