Théâtre la Seizième : L’amour « hors saison »

Qui a dit qu’en janvier les fraises n’étaient pas de saison ? Le texte d’Evelyne De La Chenelière tente de prouver le contraire. Écrite en 1999, la pièce Des fraises en janvier a voyagé au Canada et aux États-Unis et a déjà été traduite en plusieurs langues. Aujourd’hui, c’est le Théâtre la Seizième qui lui prête son décor du 18 février au 1er mars, avec Craig Holzschuh aux rênes de la mise en scène.

La recherche de la vérité

Si l’on devait lui coller une étiquette, le texte de l’auteure québécoise serait une comédie romantique. Mais le metteur en scène tient à la nuance : « C’est un texte lumineux, il a une légèreté que j’aime. Mais aussi beaucoup de profondeur : on y trouve des émotions fortes, vraies », insiste-t-il.

« Oui, mais c’est meilleur quand ce n’est pas la saison », répond Sophie (Julie Trépanier) à François (Gilles Poulin-Denis). | Photo par Julie Artacho

« Oui, mais c’est meilleur quand ce n’est pas la saison »,
répond Sophie (Julie Trépanier) à François (Gilles Poulin-Denis). | Photo par Julie Artacho

La pièce raconte un chassé-croisé amoureux entre quatre personnages aux âges et aux idéaux différents. Si entre eux le jeu du mensonge semble souvent l’emporter, la recherche de la vérité guide le travail de Craig Holzschuh avec ses comédiens. « J’attends d’eux de la sensibilité, de l’honnêteté dans leur travail » , livre-t-il. « Mais aussi le goût de rire et le sens de l’humour », véritables armes de ce texte.

Joey Lespérance remonte sur la scène du Théâtre la Seizième, qui lui est familière, dans la peau de Robert, un cinquantenaire au croisement de sa vie qui « fait face à son propre sabotage. »

L’acteur Joey Lespérance. | Photo par James Loewen

L’acteur Joey Lespérance. | Photo par James Loewen

Joey avait déjà joué Des fraises en janvier à Edmonton il y a sept ans, mais se lance dans cette aventure avec un regard nouveau. « Il s’agit du même texte, mais l’approche du metteur en scène est différente. Craig accorde beaucoup de poids au détail. Il a cette habileté à aller chercher la vulnérabilité chez les comédiens », souligne l’artiste.

Un texte universel

Le mot revient sans cesse dans la bouche des comédiens et du metteur en scène : l’amour.

Autour de ce thème universel, la jeune auteure Evelyne De La Chenelière réussit à capturer des gestes qui renvoient les comédiens, et par extension les spectateurs, à leurs propres faussetés, aux jeux qu’ils se jouent à eux-mêmes.

« On a tous une vision de l’amour et une façon de l’apprécier. La pièce pose cette question : comment va-t-on déposer nos cartes ? » questionne Joey Lespérance. « Je me suis vu à plusieurs reprises » confie-t-il, résumant l’expérience à un « voyage à l’intérieur de la condition humaine. »

Guidé par la même impression, Craig Holzschuh compare la pièce à une « fiction qui peut sembler tirée de notre quotidien, mais qui a le pouvoir de nous surprendre et de nous émerveiller. »

« Tout le monde va se reconnaître dans cette idée. L’amour nous touche tous à un moment donné », affirme-t-il.

Poids de la langue et références culturelles

Sous la lumière des projecteurs, les yeux curieux des spectateurs de la Seizième découvriront Julie Trépanier pour la première fois. Cette québécoise diplômée de la section anglophone de l’École Nationale de Théâtre du Canada est ravie de cette occasion de jouer en français dans sa « maison d’adoption », Vancouver. « J’ai l’impression de joindre le meilleur des deux mondes ! », s’exclame-t-elle.

Sa langue maternelle lui permet de libérer pleinement les émotions de son personnage exagéré, passionné. « Sophie est une femme très actuelle. Ses attentes, ses standards, son idéal amoureux sont modelés à travers les médias d’aujourd’hui », analyse la comédienne. « En français, il y a un filtre qui passe plutôt par le cœur que par la tête. » Joey aussi mesure le « privilège » qu’il a de jouer dans sa langue, reconnaissant la « relation artistique très importante » qu’il a développé avec le Théâtre la Seizième.

Au-delà de ce sentiment partagé, Julie soulève les références culturelles bien ancrées à l’Est auxquelles le public vancouvérois sera exposé. « Les dîners arrosés, les discussions animées qui tournent au vinaigre, la défense des points de vue des personnages font partie de la culture vivante du Québec qui n’est pas autant affirmée en Colombie-Britannique. Cela assure une soirée de dépaysement total, tout en restant très accessible » relève la comédienne, qui espère attirer des francophones mais pas seulement grâce aux surtitres en anglais proposés les mardis, jeudis et samedis.

Quant au titre qui peut sembler énigmatique, il sous-entend le goût « hors saison » mais pourtant si bon d’un amour auquel on ne s’attend pas, qui s’éloigne de ce que l’on croyait être notre idéal. Dans le texte, à François qui lui demande souvent pourquoi elle lui offre des fraises alors que ce n’est pas la saison, Sophie répond : « oui, mais c’est meilleur quand ce n’est pas la saison. »

 

Des fraises en janvier

Du 18 février au 1er mars

Théâtre la Seizième,
226-1555, 7e Avenue Ouest, Vancouver

Pour voir les photos des répétitions, rendez-vous sur la page Facebook du Théâtre la Seizième.