Près de 100 000 visiteurs ont consulté le portail documentaire en ligne Ruins in Process: Vancouver Art in the Sixties, lancé en juin 2009 par les galeries d’art The Morris and Helen Belkin et The Grunt. Un beau succès pour ce projet qui fédère un grand nombre d’artistes, écrivains et conservateurs autour des pratiques artistiques à Vancouver dans les années soixante. Leurs contributions (interviews, vidéos, photos…) sont articulées en cinq thèmes documentaires accessibles sur des mini-sites, dont un concerne l’art autochtone.
La Source a testé ce dernier, enrichi de six thématiques clés qui éclairent son développement à Vancouver, ville en perpétuel mouvement. L’exploration des archives invite chacun à découvrir ou à redécouvrir les artistes et les lieux qui ont marqué l’évolution de l’art autochtone au cœur de la cité. Petite visite guidée.
Le totem, un symbole
Le totem est un exemple de symbole qui cristallise des enjeux à la fois économiques, traditionnalistes et nationalistes. Pour faire face à la détérioration des totems, plusieurs projets de rénovation furent lancés dans les années 1920 par le ministère des Affaires indiennes et en 1950 par le musée Royal de Colombie-Britannique et le musée d’Anthropologie de UBC. En parallèle, plusieurs organisations touristiques et de défense des traditions amérindiennes furent à l’initiative de la construction de totems autour de la route nationale et des terminaux des traversiers.
L’artiste Ellen Neel (1916 à 1966), membre d’une famille de sculpteurs et d’une tribu amérindienne (les Kwakwaka’wakw), fut jusqu’au milieu des années 1950 la seule femme connue pour ses sculptures de totems. Ellen Neel joua en outre un rôle déterminant en tant que femme d’affaires. En travaillant avec les institutions et les chefs autochtones, elle contribua à faire reconnaître l’art autochtone comme ciment de la communauté et à faire comprendre l’importance de la transmission de cet héritage.
Hors des sentiers battus
Au début des années 1900, des enseignants militèrent pour la promotion de la pratique de l’art autochtone au sein du système éducatif. À l’image de Francis Baptiste et Judith Morgan, certains de leurs étudiants poursuivirent leur parcours académique dans des écoles d’art américaines.
L’artiste George Clutesi (1905 à 1988), membre d’une tribu amérindienne (les Nuu-chah-nulth), fut encouragé dès son enfance à développer ses talents artistiques. Son art lui permit de s’échapper du pensionnat, qui ne permettait pas l’apprentissage des traditions autochtones. Au début des années 1940, il rencontra Anthony Walsh, un enseignant militant, qui, grâce à ses relations avec des personnalités influentes du monde de la culture, lui permit d’exposer ses œuvres dans des galeries et musées. Il devint un porte-parole charismatique de l’héritage autochtone, utilisant les médias audiovisuels, en même temps qu’un auteur reconnu, au début des années 1960, pour ses ouvrages sur la culture des Nuu-chah-nulth.
Mentors et mécènes
Pour les artistes, au premier rang desquels George Clutesi, Francis Baptiste ou Judith Morgan, le tournant d’une carrière passait souvent par la rencontre de mentors (enseignants, artistes) ou d’institutions culturelles qui soutenaient le développement de l’art autochtone. L’exposition de leurs œuvres dans les musées et galeries de Vancouver était un signe de reconnaissance. Cela mit en lumière la valeur historique et culturelle de l’art autochtone et mena, au début des années 1960, à l’émergence d’un marché privé lucratif.
D’autres ont préféré rompre avec cette logique de mentors-mécènes et développer leur art de façon autodidacte. Henry Speck (1908 à 1971) est l’un d’eux. Il inspira ses contemporains en utilisant de la couleur, considérée comme moderne à l’époque.
Traditions et modernité
A u début des années 1960, plusieurs artistes étaient à la fois graveurs, coloristes et dessinateurs. Ils combinaient les styles en mêlant des pratiques artistiques dites occidentales et d’autres plus traditionnelles. Au nord-ouest, les discours sur l’art mettaient de l’avant l’art abstrait et le contraste avec le courant Kwakwaka’wakw présentant les œuvres de façon théâtrale. Les œuvres ne rentrant pas dans ces catégories étaient hiérarchisées du Nord au Sud. Le courant culturel occidental faisait la promotion en parallèle de l’enrichissement mutuel de tous les arts sans hiérarchisation.
Les activités au sein des clubs sociaux établis à Vancouver au cours des années 1960 permirent une approche différente du développement artistique de l’art autochtone puisqu’elle combina des valeurs traditionnelles et modernes.
Ruins in Process:
Vancouver Art in the Sixties
vancouverartinthesixties.com
Aboriginal Art in the Sixties
www.aboriginalart.vancouverartinthesixties.com