Si de nombreux citoyens lambda déchantent de la politique traditionnelle, désertant les urnes au Canada et ailleurs, la génération Y, ou ces « jeunes » nés entre 1980 et 2000, s’engage à sa manière. Et si les enfants du millénaire, comme on les nomme aussi parfois, réenchantaient le débat ? La Source en a parlé avec Tara Mahoney, cofondatrice de l’organisation vancouvéroise Gen Why Media, qui mise – avec plaisir – sur le potentiel des « héros » de notre temps.
« Il était une fois le 11 septembre 2001 » pourrait être le début du « récit collectif » de la génération Y, si l’on en croit la théorie générationnelle Strauss-Howe, développée par William Strauss et Neil Howe dans une série d’ouvrages parus depuis 1991. En résumé, un « cycle » voudrait que, toutes les quatre générations, un type de « génération héroïque » voit le jour. Ladite Y serait de celles-là, car ayant grandi marquée par les événements du 11 septembre et les crises subséquentes. Les enfants du triple W seraient dotés d’une « conscience collective » et seraient plus aptes que leurs parents, classés sous X (dans le jargon générationnel), à devenir des citoyens « engagés », des joueurs « collectifs ». Ils auraient le potentiel de marquer profondément leur époque. Mais encore faut-il voir ce potentiel et le stimuler, avec des outils de notre temps. Sans se prendre trop au sérieux.
Une approche culturelle et intergénérationnelle
Gen Why Media, fondée à Vancouver il y a quatre ans par deux ambassadrices de la génération Y, Tara Mahoney et son accolyte Fiona Rayher, s’appuie largement sur cette théorie, d’où l’utilisation de l’abréviation Gen pour génération. Quant au Why, il pose la question : quoi de neuf et de spécifique à la génération de l’après X ? Quel « alphabet » est en train de s’inventer sous nos yeux, sous Y ?
Les réponses, Tara Mahoney a commencé à les donner dans un court documentaire intitulé Generation Why, réalisé il y a quelques années, mais ce n’était qu’allumage de mèche… car l’exploration du potentiel Y est sans limite ! Avec Gen Why Media, créé dans la foulée, Tara vise à « utiliser les médias et la production d’événements pour transformer les citoyens-consommateurs en preneurs de décisions et en créateurs de solutions sur les sujets qui les concernent directement ».
Pour cette doctorante en communication de l’Université Simon Fraser, qui y a également obtenu son certificat en dialogue et engagement civique, cela passe notamment par des « expériences culturelles » ou des « artefacts » qui adressent certains sujets de société, par exemple la production énergétique ou la notion de pouvoir politique. Les mots-clés de sa trousse à idées sont « divertissant », « entraînant » et « ludique ». Pour engager, en effet, rien de tel que l’« engageant » : concerts, performances multidisciplinaires etc. sont donc de la partitition. Pour « réenchanter » l’espace public.
Ainsi va le Civic Renewal Lab, un projet d’unité mobile dans l’espace urbain, sur lequel Tara Mahoney « travaille de longue haleine avec des designers vancouvérois », même si les emplois du temps des uns et des autres n’ont pas encore permis de lui donner vie. Ou encore la série de dialogues-concerts-événements Bring Your Boomers, qui réunissent dans une ambiance de « salon » des représentants de différentes générations. Le fil rouge de ces initiatives est le plaisir de se retrouver pour discuter, faire naître des idées et des projets d’intérêt commun. Hors des lieux communs, ou en les réimaginant.
Le futur est en 2015
Quels projets pour 2015, justement ? Tara Mahoney voudrait « élargir le noyau de Gen Why Media », qui touche pour l’instant la grande région de Vancouver, en « impliquant d’autres acteurs et partenaires en Colombie-Britannique ». Le duo Mahoney-Rayher a déjà fort à faire avec la production du film documentaire Fractured Lands, qui devrait être diffusé par la CBC l’an prochain, et qui prend prétexte des enjeux liés à l’industrie du gaz naturel pour s’intéresser à la façon dont différentes cultures se rencontrent, tant dans l’opposition que dans la collaboration. On y suit Caleb, un étudiant autochtone en droit, dans son combat contre l’industrie gazière, qui le mène sur la piste des Maori, en Nouvelle-Zélande. D’autre part, un atelier sur « les tactiques d’engagement politique » est agendé au mois de février en prévision de la campagne électorale fédérale. Et la Social Innovation Week, dont la première édition a eu lieu cette année, devrait revenir en 2015, si les discussions avec la Ville sont concluantes.
Pour plus d’informations sur la constellation Gen Why Media, qui a le mérite de donner au Y droit de cité, visitez le genwhymedia.ca.