La rubrique Espace francophone s‘intéresse aux acteurs de la francophonie en Colombie-Britannique. Cette semaine nous nous tournons vers la conteuse Wanda Gemly qui se produira le 14 février au Studio 16 de la Maison de la francophonie à Vancouver. Rencontre avec une personna-
lité attachante, allergique à tout formatage.
Il y a des gens qui ont le don de brouiller les pistes. Wanda Gemly est de ceux-là. Née dans un village reculé du Cameroun, élevée en Suisse, elle mène désormais sa vie au Canada où elle s’est installée avec mari et enfants il y a près de 4 ans, à Vancouver.
Et comme si ça ne suffisait pas, son parcours profes-
sionnel reflète aussi ce besoin d’aventure chevillé au corps. En Suisse, elle était technicienne de laboratoire avant que la vie ne la mette sur un autre chemin, celui du journalisme. Entre temps, elle n’a jamais perdu la passion qui l’anime depuis toujours, celle du conte. Cinq livres plus tard, dont deux rédigés depuis le Canada, son nouveau pays d’accueil, Wanda Gemly a plus que jamais des choses à dire, ou plutôt, à conter. « Aussi longtemps que je me souvienne, j’ai toujours raconté des histoires, commence Wanda Gemly. Enfant au Cameroun, je n’avais jamais le droit à la parole mais je pouvais en revanche conter tant que je voulais ». Elle explique qu’elle contait sans s’en apercevoir, et puis un jour elle décide de mettre cela par écrit.
« L’imagination, ce n’est pas ce qui me manque », plaisante-t-elle. Les histoires qu’elle raconte s’adressent aux enfants mais leur portée est universelle et bien des adultes s’y retrouveront. Wanda puise dans ses propres souvenirs d’enfant en Afrique mais évoque aussi les observations faites au fil de sa vie.
Ses héros s’appellent Anounou, Achouka ou Swahili, mais elle s’empresse de tordre le cou à tout cliché. Swahili est une jeune fille blanche et blonde qui rêve de devenir africaine et espère être davantage aimée une fois qu’elle aura des cheveux crépus. Achouka est une petite fille noire dont le rêve est d’être aussi blanche que Swahili, elle refuse pourtant de se blanchir la peau.
En filigrane de ces histoires écrites à hauteur d’enfant, elle décrit une réalité en Afrique. « Les femmes qui se blanchissent la peau avec des produits qui donnent le cancer ou celles qui refusent leur cheveux naturels, ce sont des choses que j’ai vues en Afrique et qui m’ont inspirée », explique Wanda. Ainsi, les deux fillettes vont découvrir que devenir quelqu’un d’autre n’est pas la meilleure solution pour se faire aimer.
Ses livres ont été traduits en anglais, une évidence pour elle. « Nous vivons dans un pays bilingue, il me paraissait important que les anglophones aient accès à mes livres », indique Wanda qui insiste sur l’importance de la francophonie. « Mais une francophonie diversifiée, qui accepte que l’on puisse venir d’ailleurs », dit celle qui s’est souvent entendu dire qu’elle parlait bien français pour une Africaine.
C’est cette identité aussi qu’elle aimerait transmettre. Et le mois de l’histoire des Noirs tombe à point nommé pour le faire. « Ce n’est pas par hasard que j’ai choisi le mois de février pour me produire. C’est très important pour moi, il y a encore un manque d’éducation en ce qui concerne les Noirs que l’on assimile systématiquement à l’Afrique », observe celle qui détient un passeport suisse. Elle espère bien contribuer à cette éducation en faisant ce qu’elle fait depuis toujours, raconter des histoires.