Athènes, triste capitale d’un pays en faillite

Les commerces en faillite à Athènes. | Photo de Pascal Guillon

Les commerces en faillite à Athènes. | Photo de Pascal Guillon

En tant que berceau de la culture occidentale, on pourrait s’attendre à ce qu’Athènes soit une des belles capitales européennes. Alors que la Grèce recèle des sites magnifiques, j’ai toujours pensé que la capitale n’était pas à la hauteur d’une nation si riche du point de vue historique et culturel.

L’acropole est belle, et sur ses pentes nord et est, le quartier Plaka est préservé et entièrement voué au tourisme. Mais dans le reste de cette ville de quatre millions d’habitants, on a l’impression que l’on a construit un peu n’importe quoi, n’importe où et n’importe comment. Un édifice de bureaux est collé au mur d’une vieille église. Sur la place Syntagma, le point central de la capitale, d’élégants bâtiments fin dix-neuvième siècle côtoient des banalités en béton et en acier. Lors d’un passage à Athènes, il y a une trentaine d’années, j’ai fait de telles remarques à un Grec canadien revenu vivre dans sa ville natale après avoir passé des années à Montréal. On a construit trop vite et trop mal, admit-il, le résultat n’est pas très beau, mais la vitalité de la population fait oublier les échecs des urbanistes. Il m’a alors fait découvrir une ville où les gens sortaient tard le soir pour s’amuser, au point qu’on avait un peu l’impression que chacun avait toujours quelque chose à célébrer.

Tout cela est bien fini. La crise économique est passée par là. On a tous vu les chiffres et lu les articles, les 24% de chômage (50% pour les jeunes), la réduction des dépenses sociales, la baisse des salaires, l’effondrement des services publics, la baisse continue du PIB, l’émigration des jeunes, la fuite des capitaux. Quand on se promène dans Athènes en dehors du quartier touristique de Plaka, la violence de la crise économique est partout visible. Il y a d’abord les mendiants et les gens qui vivent dans la rue. Mais le plus visible est le nombre incroyable de commerces fermés pour cause de faillite. Restaurants fermés pour toujours, anciens supermarchés aux fenêtres recouvertes de contreplaqué, hôtels abandonnés, le tout évoquant la vision d’un pays en voie de sous-développement.

J’ai passé quelques jours dans le quartier d’Omonoia, une zone centrale récemment devenue sinistrée à cause de la crise. Dans les cafés encore ouverts, des vieux messieurs à la retraite passent chaque jour des heures avec leurs copains à discuter ou à jouer aux dominos. Chacun achète un café à 1€ et reste toute la journée à la terrasse. Pour le commerçant, c’est mieux que rien, en attendant de devoir mettre la clé sous la porte. La déflation est en évidence avec des cafés qui annoncent 50 centimes d’euros pour un espresso. Attablé à la terrasse du seul restaurant restant sur ce pâté de maisons où les trois autres ont déjà fait faillite, le serveur admet qu’il ne sait pas si son employeur va pouvoir tenir le coup longtemps encore. Cette rue, hier encore joyeuse et animée, est aujourd’hui pleine de commerces vides et barricadés. Les graffitis omniprésents et les chantiers de construction abandonnés donnent au quartier une allure de Mad Max à la grecque. Ajouter à cela les milliers de réfugiés du Moyen-Orient qui s’entassent dans des hôtels minables ou dorment dans les rues par familles entières.

Des kiosques à journaux ont fait faillite et pourtant les Grecs se passionnent pour l’actualité. Ils sont nombreux à lire les journaux suspendus aux présentoirs des kiosques, mais ils sont de plus en plus rares à les acheter. Les négociations entre la Grèce et ses créditeurs se poursuivent et Bruxelles fait pression pour qu’Athènes réduise les pensions des personnes âgées. Inquiet, tout le monde attend de voir quelles seront les prochaines mesures d’austérité exigées par le monde de la finance.

Tout cela est beaucoup moins visible si l’on s’en tient au quartier touristique de Plaka. Il faut cependant vouloir être aveuglé pour ne pas voir à quel point Athènes est devenue une ville triste.