À moins d’un mois des élections fédérales, les quatre métropoles canadiennes Vancouver, Calgary, Toronto et Montréal trouveront-elles enfin leur champion pour reconnaître leur statut particulier et leur rôle prépondérant dans la réussite du pays ? En mars 2014, les maires Denis Coderre et Régis Labaume rendaient public un document intitulé « Un nouveau pacte pour les grandes villes du Québec « dans lequel ils réclamaient un statut particulier, de nouveaux pouvoirs et de nouvelles sources de revenus. Cette sortie fait écho à des demandes similaires partout au pays, de Vancouver à Calgary, en passant par Edmonton et Québec.
Le poids économique, environnemental et social des quatre régions métropolitaines du Canada est indéniable : 51% de la population canadienne y vit. Montréal et Vancouver génèrent, à elles seules, plus de 50 %
du P.I.B. de leur province. Ce poids grandissant est une tendance forte à l’échelle mondiale. Les défis et enjeux des global cities sont désormais ceux d’un pays : santé, sécurité, flux migratoires, pauvreté, pollution, transport et infrastructures. Depuis des décennies, les maires des métropoles canadiennes demandent plus de pouvoir et plus d’argent mais se heurtent à plusieurs freins.
Tout d’abord un frein constitutionnel. En matière municipale, la portée des compétences provinciales est quasi sans limite. Par exemple, pour emprunter, la plupart des villes doivent obtenir l’approbation d’une commission nommée par la province. Certains progrès ont été faits. En Ontario par exemple, en 2007, le gouvernement provincial a officialisé le statut particulier de sa métropole avec le City of Toronto Act.
Mais le problème des villes ne serait pas uniquement constitutionnel. Il s’agirait d’abord d’un problème d’attitude, de la part du gouvernement fédéral notamment. C’est ce qu’affirmait, à la fin d’octobre 2014, Anne Golden, spécialiste des politiques publiques municipales, invitée à commenter le rôle des grandes villes canadiennes pour la réussite du pays. Il faut dire que le désintérêt d’Ottawa pour ses métropoles prend racine dans la réalité électorale du pays. Hormis quelques rares exceptions, l’allégeance politique des grandes villes est monolithique et stable. Bref, les métropoles ne font pas ou ne défont pas les gouvernements « supérieurs ».
Plusieurs experts au Canada s’entendent pour dire que la situation est complexe, et que les solutions sont peu évidentes. La réouverture de la Constitution, par exemple, a peu de chance de se concrétiser, compte tenu des nombreux autres enjeux et priorités qui se rattachent à cet exercice périlleux (statut du Québec, réforme du Sénat, etc.).
Pourtant, des solutions devront être trouvées, car l’avenir du pays se joue notamment dans ces quatre métropoles, notamment en matière de performance économique, de cohésion sociale et d’impact environnemental.
Pour ce faire, les métropoles devront arrêter de fonder leurs seuls espoirs sur le bon vouloir des provinces et du fédéral. Elles devront sortir d’un rôle de quémandeur pour assumer, cette fois, un vrai leadership. Elles devront aussi arrêter de se voir en concurrentes pour parler d’une seule voix. Après un an de recherches et de rencontres dans tout le pays, c’est ce que mes collègues d’Action Canada (www.actioncanada.ca) et moi-même avons proposé, en février 2015, dans notre projet Des villes fortes : une nouvelle voie vers un fédéralisme collaboratif. Pour concrétiser ce changement de culture, nous suggérons une action en trois étapes : 1) la création d’un think tank national des grandes villes capable d’influencer l’opinion publique; 2) la création d’un forum de résolution d’enjeux et de problèmes métropolitains où seraient invités à participer les différents paliers de gouvernement et 3) la reconnaissance effective et concrète des grandes villes comme ordre de gouvernement à part entière.
Le scrutin du 19 octobre 2015 nous dira si les grandes villes du pays auront enfin trouvé un champion à Ottawa. Un champion capable de constater que le pays a changé ; que de rural il y a 150 ans, le Canada est désormais urbain. Cela impose un véritable changement de culture !
Morvan Le Borgne
Il a fait partie de la cohorte 2014-2015 du fellowship Action Canada, un organisme non partisan qui a pour mission de développer le leadership au bénéfice du Canada. Il est titulaire d’une maîtrise en communication publique de l’Université Laval.