Pour sa première production, la danseuse Arno Kamolika tente habilement de faire le lien entre la danse indienne traditionnelle Bharata Natyam et un classique de la littérature du Bengal : Shyama, une tragédie romantique signée Rabindranath Tagore. Sur scène, elle incarne et danse en solo tous les rôles de l’oeuvre. Ses postures, ses expressions faciales et la musique qu’elle a elle-même enregistrée lui permettent de donner vie à chacun des personnages.
Après deux ans de travail intensif, Rabindranath Tagore’s Shyama: A Bharata Natyam Interpretation by Arno sera présenté le samedi 10 octobre à 19h30 au Roundhouse Community Arts & Recreation Centre à Vancouver. Jai Govinda, mentor d’Arno et directeur artistique du Mandala Arts and Culture (l’une des meilleures écoles de danse traditionnelle indienne au pays) en est le producteur.
Le Bharata Natyam est une danse à double facette, explique Arno : une facette physique et rigoureuse qui relève de la performance et demande de longues années de pratique ; et une facette poétique associée à la narration et mise en récit d’histoires. Cette danse est née dans les temples indiens, elle était dédiée à honorer les dieux et déesses. Pour Arno, cette forme de danse est une langue en elle-même et ce qui compte est « la raison pour laquelle la langue (en l’occurrence la danse) est utilisée. Bharata Natyam permet de raconter des histoires, à l’inverse du ballet ou du jazz ». Cette danse indienne traditionnelle se singularise en outre par ses performances solos. Pour Arno, qui pratique cette danse depuis l’âge de six ans, incarner chaque personnage demeure un défi.
Le Bharata Natyam et Tagore, les deux amours de sa vie
La tragédie romantique de Tagore est basée sur l’histoire de Shyama, une danseuse influente de la cour royale. Shyama tombe amoureuse d’un commerçant étranger, Bojrosen, qui se retrouve malencontreusement emprisonné par la garde royale. L’histoire dévoile les efforts faits par Shyama pour sauver son amant de la sentence fatale, parfois aux dépens de la vie d’autrui…
Rabindranàth Thakur, dit Tagore est un poète, romancier, dramaturge et philosophe de langues bengalie et anglaise. Il fut très influent à l’orée du XXe siècle en Asie du Sud. En 1913, il devient le premier non-européen à recevoir le prix Nobel de littérature. La danseuse Arno est bercée par ses chansons dès son plus jeune âge. Elle chérit le travail de Tagore et tout particulièrement l’œuvre Shyama. Pour elle, c’est une histoire aussi fascinante et incontournable que « Roméo et Juliette ». Elle affectionne tout particulièrement le personnage central de la pièce. « Shyama n’est pas une femme indienne traditionnelle, elle n’est pas comme les femmes au foyer qui gardent le silence (…). Elle parle librement de ses désirs, de ce qu’elle attend de la vie. Elle n’a pas peur. Elle a ses côtés pessimistes et ses côtés positifs, comme nous tous, c’est un personnage haut en couleurs ». Par ce spectacle, Arno Kamolika unit « les deux amours de sa vie » : Tagore et le Bharata Natyam.
La rencontre de deux mondes : la danse et la poésie
Arno Kamolika développe une passion pour la musique et la poésie bengalies lors de ses premières années d’entraînement. Sa fascination pour la mise en récit impacte largement son style artistique. Elle cultive l’aspect narratif qu’offre le Bharata Natyam par le biais des expressions, de la musique et du rythme pour créer un lien avec son audience.
Native du Bangladesh, puis instructrice de Bharata Natyam en Inde, Arno est arrivée à Vancouver en 2010, pour suivre son mari et terminer ses études. Elle y rencontre son nouveau mentor Jai Govinda et de nombreux danseurs. Mais elle se constitue aussi un groupe d’amis au sein de la communauté bengalie, un groupe qui se passione pour la poésie. Cinq ans en plus tard, ces deux groupes ne se sont jamais rencontrés et n’ont pas eu la chance d’apprendre à se connaître. Arno espère, avec son spectacle, « rassembler ces deux mondes ».