L’érotisme se fraie un territoire

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Pour sa 27e édition, le Vancouver Writers Fest s’encanaille (ou presque) ! Le 20 octobre, la richesse et le dynamisme de la scène littéraire actuelle seront à l’honneur avec plus d’une centaine d’auteurs et presque autant d’événements. Entre poésies, thrillers, bandes dessinées, romans historiques et contes, on parlera aussi, un peu, d’érotisme.

La littérature érotique est pourtant loin d’être une petite nouvelle. Chaque époque a écrit son propre chapitre, et les dernières décennies n’ont rien à envier aux siècles (voire aux millénaires) précédents. La déferlante 50 nuances de Grey n’est que le dernier avatar en date d’un domaine qui a su se renouveler et se réinventer au fil du temps.

De l’alcôve à la communauté en ligne

S’il a parfois été censuré ou interdit, le genre se porte actuellement plutôt bien. L’érotisme figure très régulièrement en tête des ventes. L’historique Harlequin se maintient ainsi à la première place des maisons d’éditions canadiennes avec 110 nouveau titres chaque mois et des traductions dans 34 langues.

Les attentes des lecteurs évoluent peu, mais les habitudes de lecture ont, en revanche, été profondément modifiées avec l’arrivée du livre électronique. Dans un secteur où la nouveauté et la diversité sont cruciales, la dématérialisation se révèle être un atout majeur.

Tina Haveman a d’abord été auteure avant de lancer, en 2002, ses propres maisons d’éditions en ligne : eXtasy et Divine Destinies. Basée à Squamish, l’entreprise est rapidement devenue un succès et le catalogue ne cesse de s’étoffer.

Pour Tina, l’économie de papier est d’une importance fondamentale : « Pourquoi détruire des forêts pour imprimer des ouvrages qui finiront par prendre la poussière et de la place ? Les liseuses prennent moins de place et présentent l’avantage indéniable de la discrétion pour des titres que l’on n’oserait pas forcément lire en public… »

Internet et ses possibilités d’anonymat permet aussi aux lecteurs de former des communautés virtuelles et parfois même de franchir le pas de la publication. L’écriture amateur en littérature érotique représente une part très importante de la production. Les éditions eXtasy et Divine Destinies donnent ainsi leur chance aux aspirants auteurs.

Le développement des réseaux sociaux a lui aussi apporté une évolution majeure. Les barrières de communication entre l’auteur et ses lecteurs est tombée. Certains auteurs, conscients de cet enjeu, se prêtent à l’exercice. L’écrivaine vancouvéroise Susan Lyons (également connue sous les noms de Savanna Fox et de Susan Fox) tient à répondre à tous les courriels et commentaires que ses lecteurs lui font parvenir à son site ou sa page Facebook.

Un genre aux multiples facettes

Souvent d’une apparente simplicité, l’écriture d’un roman érotique relève pourtant de l’équilibrisme. Des descriptions trop imagées feront glisser le texte vers la pornographie, tandis que des allusions trop vagues le retiendront du côté de la pudibonderie. Cette frontière traître et subtile reste toujours dépendante de son époque.

Aujourd’hui, la très grande majorité de la production s’adresse aux femmes. La liaison amoureuse et l’érotisme seront le but principal du livre, l’intrigue qui se développera autour ne sera que secondaire. Certains auteurs resteront dans la légèreté, d’autres préféreront aller plus loin.

Susan Lyons confie que « la littérature contemporaine permet d’aborder des sujets de société plutôt difficiles. […] Les lecteurs de ces romans peuvent toujours compter sur le fait que l’histoire se terminera par un engagement amoureux. » L’auteure s’autorise ainsi à parler de violences conjugales, de troubles de stress post-traumatique chez un ancien combattant ou encore de paralysie cérébrale, des sujets apparemment très éloignés des histoires d’amour.

Susan Lyons, écrivaine vancouvéroise. | Photo par BK Studios Designer Photography

Susan Lyons, écrivaine vancouvéroise. | Photo par BK Studios Designer Photography

À l’inverse, l’érotisme lui-même peut être à l’origine de la fiction et venir interroger les individus et les relations sociales. Dans All Inclusive, Farzana Doctor nous raconte l’histoire d’une employée d’hôtel aimant observer les nageurs. Avec Fates and Furies, Lauren Groff aborde le côté sombre d’un couple
apparemment parfait. A travers les douze récits regroupés dans Act Normal, Greg Hollingshead s’intéresse aux intrusions de l’érotisme dans le quotidien. Ces trois auteurs seront les invités de la rencontre It’s Treacherous Territory, qui aura lieu le samedi 24 octobre… et la conversation s’annonce passionnante !