Le mois de février 2016 vient de faire ses premiers pas. Il y a de quoi être ravi, Shankar ! Vous ne trouvez pas ? »
« Oui certainement, c’est un mois pour moi qui n’arrive pas si tard. »
Ainsi commencent les confessions, un tant soit peu loufoques, d’un fan de février. Et de poursuivre : en janvier, non sans difficultés, nous avons largué les amarres. La manoeuvre s’est avérée délicate. Plusieurs tragédies ont compromis ce départ. J’ai eu l’impression de faire du surplace. Mais rien n’arrête la marche en avant toute vapeur de l’histoire d’un mois sans égo et sans égal.
Février, mois remorque, nous sort du port. Pas un porc à l’horizon. Rien que des mouettes, la plupart muettes. J’adore ce mois. Il m’amène au large. Le printemps, vu de dos, pointe déjà sa queue (son nez, corrige mon éditrice qui n’apprécie pas toujours mes loufoqueries). Le voyage, à priori, s’annonce prometteur. Nous sommes bien embarqués. Pendant les onze prochains mois nous devrons faire preuve de vigilance, être aux aguets, éviter les écueils, ne pas voir le glaçon dans l’œil de l’ouragan, mais plutôt prêter attention à l’iceberg logé au cœur de la tempête, disait Tabarly, en « tabarnac » contre les éléments de la mère Marine qui avait perdu sa chatte.
Février, un mois bref, mais bien rempli, qu’on espère sans pépin. Un mois court qui en dit long, si l’on se fie aux activités qui le meublent (chez IKEA). Une terre d’accueil chargée de nous divertir durant l’hiver. Une tour sans détour. Février chasse l’ennui.
En 2016, toutefois, ce mois ne fait pas l’affaire de tout le monde. Certains puritains conservateurs ne voient pas d’un bon œil cette année qui leur fait de l’œil. Tous les quatre ans, ils grognent. Le bis(sex)tile de l’année les effraye. Malaise en 2016, peut-on lire dans leurs pensées. Oublions ces « mal fêteurs ». Place à la réjouissance.
Le nouvel an chinois célèbre au cours du mois son 4714e anniversaire, l’année du singe. Un ouistiti, amusé par la nouvelle, se balance d’une branche à l’autre en s’assurant de ne pas glisser sur une peau de banane. Défilé dans les rues de Chinatown. Sortie des dragons, draguons pendant la sortie. Chacun s’amuse avec sa muse. Sortez les pétards, enterrez le cafard pour une fois qu’on se marre.
Parallèlement, en plus discret, mais ce n’est pas un secret, la journée est consacrée, depuis plusieurs années, à la famille; pour ceux qui en ont. Une journée de congé payé dont le but non avoué permet d’éviter la neurasthénie collective générée par les hivers jugés trop longs. Je vais en profiter pour laver mon linge sale. Après tout, nous sommes en famille.
Février, bureau des cœurs. Le 14, fidèle au rendez-vous, l’amour frappe à la porte. Elle est grande ouverte. Entrez, on vous attendait. Servez-vous en roses et chocolat, une gracieuseté de Valentin, un saint de bonne volonté.
Les amoureux se font la cour-toujours-mon-lapin en attendant Pâques qui les attend au tournant pour leur sonner les cloches. Elle et moi, sans émoi, nous nous aimons. Que dire de plus sinon : pourvu que ça dure.
Et puis n’oublions pas le mardi grassouillet avec sa multitude de carnavals. De Rio à Québec en passant par la Nouvelle Orléans et Nice, février festoie. Les saints qu’on ne saurait voir sont à l’honneur. Excès de débauche quand nous vient l’eau à la bouche. On boit, on chante, on danse comme si on était parti pour rester, nous dit Cabrel.
Pour couronner le tout, histoire de terminer en beauté, se tiendra, le 28, avant-dernier jour du mois, la 88e édition de la distribution des Oscars. Au cours de la cérémonie, haute en couleur blanche, ternie au repassage, les artistes noirs, ignorés aux nominations, vont briller par leur absence. Un appel au boycottage, ça se comprend, est en cours. Gênant, c’est le moins que l’on puisse dire. Honteux convient mieux. Aberrant tout simplement. J’en parle en connaissance de cause. J’ai vu la plupart des films en compétition. Je ne comprends pas pourquoi le film Straight Outta Compton, réalisé par un metteur en scène noir, avec des acteurs noirs, ne figure pas dans la liste pressentie pour les Oscars. Cela me dépasse. À croire que les juges se sont donné carte blanche pour dresser une liste noire. Ce sera la course aux Oscars pour les tocards. Et dire, c’est un comble, que le mois de février est le mois assigné à l’histoire des Noirs. Quelle histoire.
2016, je le répète, année bissextile. Un jour de plus au mois. Mois bancal. Moi, je cale. Que vais-je faire cette journée là ? Je ne l’avais pas prévue au programme. Tiens ! Je sais ! J’apporterai des bonbons à ma Valentine. Je suis sûr qu’elle aimera ça.