Un retraité britanno-colombien me dit qu’il a abandonné l’idée d’aller à Paris cette année à cause de la menace terroriste. Ça ne devrait pas me surprendre, car les exemples de New-York, Londres et Madrid sont là pour nous rappeler qu’après une attaque terroriste d’envergure, cela prend quelques mois avant que le secteur du tourisme retourne à la normale.
Une étude présentée au forum économique mondial fin 2015 contient des chiffres encourageants pour ce secteur économique. Les auteurs de l’étude notent que depuis l’an 2000 le nombre des attaques terroristes a augmenté de 500% mais que les touristes occidentaux et asiatiques s’y habituent. Au lendemain de la grande attaque du 11 septembre 2001 à New-York, le tourisme international a baissé de 30% et il a fallu attendre 34 mois avant de retrouver les niveaux d’avant les attentats. Après l’attaque des trains de banlieue à Madrid, il a fallu attendre 12 mois avant que le nombre de visiteurs retourne à la normale. Après celle du métro et des bus à Londres, l’impact sur l’industrie touristique britannique a été assez faible et après l’attaque de Charlie Hebdo, l’impact a été négligeable. Après les événements sanglants du 13 novembre 2015, le secteur touristique français, d’une importance capitale pour l’économie du pays, s’attendait à un impact négatif de courte durée. Mais les mesures prises par le gouvernement français ne facilitent pas les choses.
N’étant pas un expert dans le domaine de la sécurité, il ne m’appartient pas de dire si le président Hollande a eu raison de déclarer l’état d’urgence et de répéter à longueur de discours que le pays était en guerre. Je note, toutefois, que certains analystes doutent de l’utilité pratique de cet état d’urgence et soupçonnent qu’il a été déclaré dans un but politique. N’oublions pas que François Hollande a été qualifié par ses adversaires à gauche comme à droite, de « grand méchant mou » de « guimauve le conquérant » et de « capitaine de pédalo ». Il est tentant pour lui de se donner des allures de chef de guerre et c’est même la seule chose qui lui a permis de gagner quelques points dans les sondages. Toujours est-il qu’un Canadien, un Américain ou un Japonais qui voit sans cesse à la télévision des images de soldats devant la Tour Eiffel et dans les gares décidera peut-être de remettre son voyage en France à plus tard. Difficile pour l’industrie touristique de dire que tout va bien alors que le président se prend pour Clémenceau en visite dans les tranchées.
Quand on me demande si c’est le moment d’aller en Europe, je suis toujours un peu gêné, car, qui peut affirmer qu’il ne se passera pas quelque chose quelque part. Je fais remarquer qu’en 2014, 7521 Américains ont été tués par balles dans leur pays et que cela n’empêche pas les Vancouvérois de faire un saut à Seattle. Mais je sais très bien qu’on ne lutte pas contre des images et des émotions avec des statistiques. Oui, il y aura sans doute d’autres attentats terroristes en Europe et non, je n’hésite pas à y retourner régulièrement. Non pas parce que je suis un baroudeur courageux, loin s’en faut, mais tout simplement parce qu’on ne peut pas s’autoriser à avoir peur de tout. Aussi horribles que soient ces attentats, le risque de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment demeure quand même minime. Par contre, je serais beaucoup plus hésitant à propos d’un voyage en Afrique du Nord ou au Proche-Orient. En Égypte, en Tunisie et au Maroc (Marrakech) on a fait face à des attaques qui visaient spécifiquement les touristes étrangers, et vu qu’il est difficile pour un Européen ou Nord-Américain de passer inaperçu dans cette région du monde, le risque semble plus élevé.
Une industrie touristique se bâtit sur des années d’efforts et peut être gravement endommagée en quelques minutes, ce qui est tragique pour les centaines de milliers de gens qui gagnent leur vie dans ce secteur. Ils sont, en quelque sorte, les victimes oubliées du terrorisme.