Du 28 février au 19 mars, le festival de danse international de Vancouver (VIDF) fête ses 16 ans et célèbre la danse contemporaine, offrant un coup de projecteur sur la scène québécoise avec la création Foutrement. Une pièce singulière de la compagnie Virginie Brunelle, du nom de la chorégraphe, où 3 danseurs explorent la corde sensible et âpre du triangle amoureux. Entre intimité et universalité, la chorégraphie donne corps aux émotions, même les plus instinctives.
Le VIDF ne cesse de mettre de l’avant des productions exigeantes, qu’elles soient créées à Vancouver, en Colombie-Britannique, au Canada ou ailleurs dans le monde, et il aura fallu plus d’un an aux organisateurs pour faire venir Foutrement, une pièce au nom explicite.
Oser l’audace
« Il n’est pas courant de voir un spectacle comme celui-là à Vancouver. Il y a un peu plus de conservatisme ici concernant la danse contemporaine. C’est puissant et audacieux, ce n’est pas du tout une romance », commente Barbara Bourget, coproductrice du festival avec Jay Hirabayashi.
Créé en 2010, Foutrement est déjà un classique dans le répertoire de la jeune compagnie de danse Virginie Brunelle, née en 2009. Si les thèmes centraux sont ceux de l’amour et de la déchirure affective, le spectacle est issu d’expériences personnelles de la chorégraphe, d’émotions qui ne demandaient qu’à s’exprimer. En 5 ans, la pièce a été jouée au Québec bien sûr, mais aussi à l’étranger, en Belgique, en Italie ou encore au Liban.
L’audace de cette production se révèle dans les thèmes, et surtout dans la manière de les traiter sur scène. Amour, attirance, tentation, trahison, pardon, séduction, sexualité, angoisse, colère – autant de douceurs et tourments qui font partie de toute histoire d’amour et qui sont mis en scène de manière épurée, avec notamment des scènes de semi-nudité. Si rien n’est gratuit, rien n’est épargné.
Une création instinctive
Les danseurs, Isabelle Arcand, Claudine Hébert et Simon-Xavier Lefebvre, ont d’abord été choisis pour leur présence sur scène et leur complémentarité. « La chorégraphie parle d’elle-même, et eux sont là pour porter ça. Isabelle et Claudine se ressemblent physiquement, mais sont complètement uniques et particulières dans leurs qualités. Même si on parle d’une gestuelle synchro, il y a vraiment des qualités athlétiques », précise Virginie Brunelle. Chorégraphe à l’écoute mais exigeante, elle est fascinée par le corps et le travail des muscles.
Ayant débuté dans la danse à 20 ans, elle s’y est engagée comme dans un coup de foudre. Détachées de certains codes classiques et techniques, ses créations sont des expressions viscérales et instinctives des sentiments humains. Le mouvement précède le ressenti, le corps poussé jusqu’à ses limites. Le dépassement, « c’est pour aller chercher la métaphore entre épuisement émotif et physique », comme elle dit. La mise en scène se fait brute, laissant place aux vulnérabilités et aux forces de chacun. « Les corps rougissent, les muscles tremblent, on ne cache rien, ce qu’on a devant nous est vrai ».
Seuls éléments de décor ou accessoires : les pointes, les épaulettes de hockey et les ceintures, symboles esthétiques et psychologiques. La ceinture exprime l’oppression, la sexualité, mais pas seulement. Pour Virginie
Brunelle, « c’est très instinctif, la ceinture était liée dès le départ à la flagellation, au catholicisme, à l’idée du couple et de l’adultère dans la pensée de l’Église ». Quand aux épaulettes, en dehors du clin d’œil aux qualités de joueur de hockey de Simon, elles métaphorisent les mécanismes de défense et l’incapacité à s’engager dans une relation. Jusqu’à poser les armes pour s’en délivrer.
Toucher à l’humain sous la ceinture
Sur un thème universel connu de tous, de près ou de loin, la pièce s’avère être un exutoire, une sublimation pure. « Virginie aime travailler davantage avec les humains qu’avec les danseurs exécutants », indique Isabelle. Le public ressent cette démarche, qui fonctionne par instinct plus que par mots. Certains repartent en larmes, réveillés par certaines émotions. En Italie, la tension était palpable dans la salle, alors qu’au Liban, où la compagnie a craint quelques difficultés par rapport à la nudité et à la sensualité, « il y a un homme qui s’est levé en plein milieu de la performance en criant et en applaudissant », confie la chorégraphe.
Il y a de nos pas dans ceux des danseurs, de notre intimité dévoilée sur scène. « L’art de la danse, c’est de l’ordre de la révélation des vies intimes, du partage de la compréhension de ce que c’est que d’être un être humain, du travail intime et viscéral de votre esprit, votre âme, vos sens, vos émotions sensorielles », souligne Barbara Bourget. Le corps est un puissant outil de communication.
Le VIDF fait donc un pari en proposant Foutrement, une œuvre à la simplicité crue et troublante qui sublime les émotions, que seul le corps sait traduire sans trahir. « Foutrement » viscéral.
Foutrement, du 3 au 5 mars au Roundhouse Performance Centre