Il y a la famille où l’on est né et celle que l’on crée. L’identité familiale sous toutes ses formes est abordée sans tabou et sans provocation à l’exposition intitulée Familylines, Lesbian Family Heraldry : An Achievement of Arms. Ces travaux sont présentés par le musée (Il Museo) du Centre culturel italien de Vancouver en collaboration avec l’artiste américano-italienne, Shelley Stefan. Family Lines est une expérience visuelle, un hymne esthétique à la tolérance. L’artiste a choisi de nous amener dans son for intérieur en jouant avec l’humour, l’esthétisme et le bien-vivre de la culture italienne.
La question du mariage pour les couples homosexuels a suscité bien des passions et des questionnements depuis les deux dernières décennies dans nos sociétés modernes, mais si l’on remonte le temps, il est intéressant de penser le symbole du mariage comme socle identitaire, voire pierre angulaire de la construction d’une nation. Pour comprendre les évolutions de l’identité de la famille italienne à travers les périodes de son histoire, Angela Clarke, conservatrice de Il Museo, nous propose une exposition comme cheminement anthropologique et artistique inédit sur ce sujet.
« La démographie de la communauté italienne à Vancouver est en pleine mutation d’après une étude menée sur la troisième génération. Bien que l’identité italienne soit importante pour cette génération, des défis apparaissent autour de ces valeurs qui s’avèrent rigides à ses yeux, comme la spiritualité, le mariage et la sexualité », confie Angela. « Nous voulons que cette exposition soit conduite jusqu’au mois de juin – mois qui célèbre le patrimoine italien –, et envoie un message de bienvenue à la communauté homosexuelle et aux unions de même sexe, car ils sont une part importante de l’identité italienne. »
L’art est une fenêtre sur les questionnements
Libérer la parole et laisser le spectateur approcher des sujets de société aussi délicats que la relation familiale des couples de même sexe sont les préoccupations d’Angela Clarke, mais aussi le mandat de l’artiste Shelley Stefan. « Ce que j’aime le plus chez Shelley, c’est sa simplicité. Son travail correspondait à mes recherches en tant qu’historienne et spécialiste de la Renaissance italienne et des arts décoratifs. Mes recherches portent sur le mariage et les rites spirituels dans le cadre domestique. Je souhaitais savoir comment les iconographies traditionnelles du mariage et de la famille pouvaient correspondre aujourd’hui aux familles créées par les couples de même sexe. J’ai été agréablement surprise quand j’ai vu les œuvres de Shelley sur le sujet. Elle a réussi à traduire mon travail de recherches en images. »
Le visiteur est invité à suivre un petit parcours au style artistique éclectique qui souligne le talent pluridisciplinaire de l’artiste. « Je danse les oppositions, j’utilise l’art comme une rivière pour faire naviguer cette complexité sur l’espoir que les choses changent dans les cœurs et les esprits », explique Shelley Stefan.
On passe de la série de petits tableaux noirs et blancs à une série de grandes toiles de peinture à l’huile très colorées. Dans ces premiers, travail d’impression à l’encre, les corps s’entremêlent dans l’intimité, le mouvement y est délicatement exposé, suggérant l’énergie sexuelle. Les seconds présentent quant à eux les vices et symbolisent la question de l’homophobie dans la société.
La visite se poursuit par les créations uniques de sculptures en bronze : boucles de ceinture et écussons représentant l’unité de la famille italienne, en l’occurrence celle de l’artiste. L’exposition fait également des clins d’œil aux codes culturels italiens : le vin – symbole de la famille et de son indépendance financière –, les masques vénitiens, les touches de couleurs vives, les contrastes. « Stefan utilise les règles immuables de l’art de la Renaissance pour introduire de nouvelles idées sur l’identité de la famille et du mariage entre personnes de même sexe et ça, c’est brillant ! » confie Angela Clarke.
Toujours aller de l’avant
L’humour et l’absence de toute colère rendent le sujet divertissant et accessible à tous. Shelley Stefan garde toujours en mémoire un vieil adage familial : « Je pense toujours aux conseils de ma nonna (grand-mère) qui me parlait des arbres fruitiers : élague le mauvais et garde la partie qui repousse. Une vraie leçon de vie. » Elle ajoute en faisant référence à son statut d’homosexuelle dans la société : « Je n’ai pas le temps de souffrir, je préfère me consacrer à l’art, l’amour, la vie et les délicieux cannoli, les pâtes à la bolonaise, les tortellini…et tous les fantastiques éléments de la culture italienne qui font que c’est un honneur de lui appartenir. »
À voir jusqu’au 30 juin 2016 au musée du Centre culturel italien de Vancouver. La visite est gratuite, un guide explicatif est disponible et, petit conseil, la visite peut être combinée avec la dégustation d’une pizza au restaurant Piazza Dario adjacent au musée…
Shelley Stefan est artiste depuis 20 ans, chef de département et professeur en peinture et dessins du département des arts visuels à l’Université de la vallée du Fraser, descendante d’artistes italiens immigrés.