Quand on habite à Vancouver, on se demande parfois où aller pour passer une journée ou deux à la campagne. L’Okanagan, c’est loin. Aller aux États-Unis implique des tracasseries frontalières. Se rendre dans l’île de Vancouver n’est ni bon marché ni très rapide. N’étant ni skieur, ni golfeur, ni riche, je n’ai aucune raison d’aller à Whistler. Il reste Bowen Island, qui est moitié banlieue et moitié campagne.
On peut s’y rendre facilement avec les transports en commun. Il suffit de prendre le bus pour Horseshoe Bay, et de là, le traversier de BC Ferries qui vous amène à Snug Cove, le cœur « urbain » de l’île, en une vingtaine de minutes. En tout, compter une heure et demie de trajet pour aller du centre-ville de Vancouver jusqu’à l’île Bowen.
Bowen est devenue une banlieue du fait qu’un quart de ses 3 500 résidants se rendent quotidiennement sur le continent pour aller au travail ou à l’école. Mais cette municipalité ne ressemble pas à une banlieue nord-américaine classique. En fait, en descendant du bateau, vous avez tout de suite l’impression d’être loin de la ville. Le village de Snug Cove, plein de petits commerces indépendants, a été, pour l’instant, complètement épargné par les Starbucks et autre McDo multinationaux. En prenant un café au Snug ou en mangeant une soupe maison au Village Baker Café, on entend des ragots de village échangés par des habitués qui, de toute évidence, se connaissent tous. Pour les nouveaux résidants qui retournent chaque jour travailler sur le continent, l’intégration n’est pas immédiate. Pour les autres, qui vivent et travaillent sur l’île, Vancouver pourrait tout aussi bien se trouver à des centaines de kilomètres de là. Certains avouent ne pas aller sur le continent plus d’une demi-douzaine de fois par an. En plein été, surtout pendant les fins de semaine, l’île accueille de nombreux touristes qui viennent là pour le kayak, les plages et les randonnées dans la forêt du parc régional Crippen. Si l’île n’a pas d’hôtels, elle dispose par contre de nombreuses maisons d’hôtes de type B & B.
L’île n’est pas si petite que cela. 50 km2, soit à peu près 12 km de long et 6 km de large avec un terrain assez accidenté. Ce n’est donc pas facile de tout visiter à pied. On peut bien sûr y emmener sa voiture, sinon, il y a d’autres options. Deux lignes d’autobus Translink desservent l’île, mais leur fréquence laisse à désirer. Il reste le vélo, la location d’un scooter ou l’auto-stop, qui se pratique encore beaucoup dans toutes les petites îles de la province.
Même si la population a triplé en une vingtaine d’années, Bowen demeure une communauté à part et non pas une banlieue sans âme. Cela est dû à son insularité, mais aussi à son histoire. Avant la colonisation, les membres des Premières nations s’y rendaient à l’occasion, mais n’y ont jamais fondé de villages permanents. Les premiers Européens à mettre l’île sur les cartes furent les Espagnols qui l’appelèrent « isla de Apodaca » en l’honneur d’une ville mexicaine. Quand les Britanniques prirent possession des lieux, ils l’appelèrent Bowen en l’honneur d’un amiral anglais qui, dans sa longue et brillante carrière, a envoyé par le fond bon nombre d’Espagnols et de Français. Les premiers colons européens s’y installèrent en 1871. De 1921 à 1962, un vapeur qui partait du centre-ville de Vancouver emmenait les touristes dans cette île devenue un lieu de villégiature pour les Vancouvérois. Dans les années 70, des hippies et autres tenants d’un style de vie alternatif impliquant un retour à la campagne s’installèrent dans l’île. Le développement foncier des années 90 et 2000 a embourgeoisé cette communauté, mais pas complètement.
Bowen a gardé quelque chose d’unique. Une communauté qui vit dans l’ombre du Grand Vancouver, mais qui garde ses distances.