Le Canada m’a beaucoup appris… sur la France. Deux pays occidentaux, deux images des habitants radicalement différentes. Une liste de clichés négatifs longue comme le bras pour l’un, avec des habitants réputés malpolis, arrogants, râleurs, peu hospitaliers, etc. Une pluie d’éloges sur la gentillesse et la politesse de ses ressortissants pour l’autre. Vous aurez, j’imagine, trouvé qui est qui.
À Vancouver depuis six mois, je pense commencer à comprendre le fossé culturel franco-canadien dans la façon d’être et de s’exprimer.
Souriants, chaleureux, ouverts à la rencontre et à la discussion avec n’importe qui/n’importe où (les fameux « small talks »), je trouve moi aussi les Canadiens sympathiques et très abordables. Une situation particulièrement appréciable quand on est nouvellement arrivé. Au début, j’ai même parfois pu interpréter ce côté très sociable pour les prémices d’une amitié, voire de la drague. Il s’agissait seulement du niveau de base d’interaction ! En France, je dirais que la sphère intime est plus verrouillée et que l’on a peut-être moins d’habileté à porter le masque social. Un exemple, demandez ne serait-ce que « Comment allez-vous aujourd’hui ? » à la caissière du supermarché – tellement commun ici – et vous verrez sûrement des yeux hagards en retour. Si l’on atteint un certain niveau de sympathie et de familiarité, c’est que l’on a des arrière-pensées sur la nature de la relation. En général, on s’investira peu dans une discussion qui nous semble seulement superficielle. « Bonjour », « Merci » suffiront, option sourire.
Au Canada, j’ai pu noter que les gens sont aussi plus citoyens et respectueux. Ils ramassent après leur chien, font la queue patiemment pour prendre le bus et sont souvent prêts à s’excuser ou à remercier. D’ailleurs, même le bus s’excuse d’être plein. Je n’ai jamais reçu de remarques déplacées dans la rue comme en France, pas une fois. La vie en société ici est moins basée sur la méfiance. L’espace public est comme « pacifié », moins chaotique. Mon attitude a changé. Je suis moins sur la défensive. J’ai aussi l’impression que l’on a une plus grande liberté d’être qui l’on veut au Canada, sans craindre les regards lourds de jugement ou les critiques.
Finalement, le plus déstabilisant pour mon intégration reste le langage. Outre le fait de parler l’anglais assez correctement pour dire ce que l’on souhaite, encore faut-il savoir ensuite COMMENT s’exprimer. Il a déjà fallu abandonner le côté littéraire du français et raccourcir mes phrases. Aller plus droit au but. Originaire du sud de la France, je parle aussi avec beaucoup de gestes et une tendance à l’exagération. Plutôt loin déjà de la façon classique de parler ici. Je me suis aussi retrouvée dans des situations assez bancales pour avoir voulu faire du sarcasme ou de l’ironie. J’ai dû reformuler mes propos pour ne pas paraître « méchante ». La façon d’être à table est aussi différente. En France, on aime le débat, la remise en cause, la critique, exprimer ses opinions sur n’importe quel sujet, parler franchement, manier de grandes idées, se moquer, caricaturer, etc. En bref une façon de parler, beaucoup, et de manière animée et directe. Le secret pour rester des heures à table ! Qui a déjà vu un film français lambda n’a pas pu échapper à la scène où les gens mangent, boivent du vin et parlent fort en se coupant la parole. Un côté passionné et souvent assez peu politiquement correct qui me manque depuis que je suis au Canada.
Cependant, la politesse canadienne cache aussi une attitude « passive agressive » qui a pu me surprendre parfois. On peut aborder les problèmes avec des sous-entendus lourds de sens, mais couplés avec une attitude toujours aussi sympathique et sociable. La volonté de n’offenser personne se trouve aussi dans la gestion des conflits.
En résumé, pour moi l’espace public au Canada est plus « vivable » au quotidien. Je me sens plus en symbiose avec les gens qui m’entourent et moins sur le qui-vive. En revanche, au niveau plus personnel, la folie bouillonnante française me manque. Et les longs repas aussi.
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