Il fut un temps où des philanthropes progressistes avaient décidé que l’accès à la culture devait être un droit et non plus un privilège. Grâce à des initiatives privées et gouvernementales, des réseaux de bibliothèques publiques et gratuites ont vu le jour en Grande-Bretagne au 19e siècle. Dans le même souci de rendre la culture et l’éducation accessibles à tous, l’Angleterre s’est dotée de grands musées ouverts gratuitement à tous. Ces grandes institutions, comme le Victoria & Albert, le British Museum ou la National Gallery de Londres, s’appuient sur des statuts fondateurs garantissant à perpétuité la gratuité des lieux. Cette tradition a été reprise dans d’autres pays du Commonwealth comme le Canada. C’est ainsi que le musée provincial de Colombie-Britannique, fondé en 1886 à Victoria, a été ouvert gratuitement à tous pendant près d’un siècle. Ce n’est plus le cas.
Depuis La grande révolution conservatrice des années Reagan et Thatcher, l’austérité est le grand mot d’ordre. Les gouvernements se doivent de réduire le fardeau fiscal des riches, quitte à faire payer les pauvres. À l’époque du there is no free lunch il n’est pas question de gaspiller de l’argent sur la culture. L’entrée au musée coûte maintenant 20 $, taxe non comprise. Ça coûte encore plus cher si vous voulez voir également le film IMAX. Il est hors de question pour une famille à faible revenus d’y emmener les enfants. Sur le campus de l’Université de la Colombie-Britannique, le musée d’anthropologie (prix d’entrée 18 $) fait des efforts en offrant des billets à 10 $ les jeudis soir de 17 h à 21 h. Les administrateurs de musées font ce qu’ils peuvent pour boucler les fins de mois alors que le gouvernement rechigne à financer adéquatement la culture. Les commentaires des touristes qui se rendent au musée des beaux- arts de Vancouver portent souvent sur le prix. Ils se demandent pourquoi ça coûte plus cher que le Louvre ou les autres grands musées de Paris, Berlin ou Rome.
Il existe dans notre province des musées qui sont en si piteux état qu’un prix d’entrée, aussi minime soit-il, frise l’escroquerie. C’est, à mon avis, le cas du musée maritime de la Colombie-Britannique à Victoria. Le domaine maritime étant au cœur de l’histoire de la province, on est en droit de s’attendre à un musée d’importance, surtout si l’on sait que cette institution a entreposé 35 000 pièces de collection, 800 modèles de bateaux, 6 000 livres d’histoire maritime, 1 800 cartes et 36 000 photographies. Or, quand on arrive à l’adresse indiquée, soit le 634 de La rue Humboldt, on se trouve devant un espace commercial anciennement occupé par un magasin. Après avoir payé vos 10 $ (plus taxe) vous pénétrez dans une sorte d’arrière-boutique ne contenant que quelques maquettes de paquebots et quelques photographies. Les bénévoles qui travaillent dans ce mini-musée expliquent que l’institution est tellement sous-financée qu’elle passe le plus clair de son temps à chercher des dons.
Impensable, donc, pour une famille à faibles revenus, d’emmener les enfants aux musées. À Vancouver, il était cependant possible d’emmener les gamins à l’aquarium du parc Stanley. Certes, les prix d’entrée sont exorbitants, mais, derrière l’aquarium, existait un accès public gratuit permettant de voir, à travers les vitres, quelques animaux marins. Cet accès est maintenant fermé. Les pauvres n’ont qu’à rester chez eux. Après tout, there is no free lunch.