Ouf ! Fini les débats. Je ne pense pas trop m’avancer en disant que les jeux sont pratiquement faits. Donald Trump s’est trompé sur sa destinée. Il ne sera pas président des États maintenant plus que jamais désunis. Ainsi qu’un grand nombre de Canadiens, je ne vais pas m’en plaindre. Mais, comme le disait mon grand-père, trappeur de son état, il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Prudence oblige. Chose certaine : nous n’aurons plus, du moins je l’espère, d’aussi bas débats.
Ceci étant dit, de quoi allons-nous aujourd’hui débattre ? Les sujets ne manquent pas. Personnellement, j’aimerais que nous débattions de la question des débats. Les débats assurément méritent un débat. Si nous osions, pour commencer, nous pourrions remettre en question leur utilité ou leur futilité. À quoi servent les débats ? Sont-ils là pour nous informer, nous éclairer ? Servent-ils à nous distraire, à nous occuper, à meubler nos vies ? Ces questions, vous l’admettrez, méritent d’être débattues.
Nous sommes en droit de remettre en question la valeur des débats depuis l’apparition de Donald Trump sur la scène politique. Ses débats avec Hillary Clinton ont attiré une foule de téléspectateurs comme on ne l’avait jamais vu auparavant. Sommes-nous maintenant plus avancés que nous l’étions au début de ces débats ? Pas que je sache. La politique, personne n’en doute de nos jours, se range désormais au même chapitre que les sports ou toute autre forme de divertissement. L’important, c’est le spectacle. Nous avons ainsi assisté au Super Bowl de la politique américaine. À tout moment je m’attendais à voir apparaître Beyoncé ou Madonna pour meubler les temps morts.
Le combat pugilistique entre Donald et Hillary a pris des proportions qui sont allées au-delà des espérances des diffuseurs et des publicitaires. Il y a de l’argent, beaucoup d’argent à se faire. Autant profiter de l’occasion, se sont-ils dit. Dommage que les présidentielles n’aient lieu que tous les quatre ans, ont-ils pensé dans leur for intérieur.
Au cours de cette récente série de télé-irréalité, tous les coups furent permis, particulièrement les coups bas où les déclarations mensongères étaient de rigueur. Une situation qui convenait parfaitement à Trump. Il était dans son élément. L’arène du trash talk c’est son domaine, son lieu de prédilection. Il s’y complaît. Pour énoncer des âneries et lâcher des souillures et des injures, personne n’arrive à sa cheville qui continue d’enfler. L’outrageux gladiateur assène des coups dont la violence verbale, venant d’un individu aspirant au plus haut rang de l’État, nous laisse cois. Tout ce qui manque c’est un peu de sang pour lui donner totale satisfaction. « Oyez, oyez, braves gens ! Venez assister au combat du siècle dans l’amphithéâtre de la télévision. Un spectacle à vous couper le souffle et à vous dégoûter à tout jamais des débats politiques. Trumpipo le terrible va affronter Hilarante la mal aimée. »
Eh oui ! Comme un idiot, j’ai regardé bêtement cet affront à l’intelligence et à la dignité humaine. Au cours du premier débat j’étais, je dois l’admettre, rivé. Au second, après un moment, j’ai désespéré. Au troisième et dernier affrontement, j’ai failli m’emporter. Je n’en pouvais plus.
De ce combat entre ce coq empâté et cette dame au sourire crispé, figé, je n’ai rien retenu sinon le sentiment de m’être fait avoir. La télévision m’a tendu un piège et je m’y suis laissé prendre. Si les philosophes encouragent les débats, en autant que ceux-ci s’intéressent à saisir la vérité, les politiciens eux, c’est fort dommage, s’en servent surtout pour la cacher, car toute vérité n’est pas bonne à dire et à entendre, semble-t-il. Il faut donc alors la camoufler, l’arranger ou la déguiser. En somme il s’agit de raconter des salades. Nous sommes alors ensorcelés, quasi hypnotisés, incapables de discerner le vrai du faux. Nous devenons donc cyniques, méfiants et surtout découragés.
La sincérité ne paie pas en politique. Elle vous détruit. Un candidat honnête est un candidat qui a perdu la tête. Ses chances d’être élu sont fortement réduites face à un adversaire qui possède la maîtrise et les rouages du médium. Abandonnons donc les débats politiques télévisés qui n’ont d’autres raisons d’être que d’exhiber un show et de renflouer les caisses des commanditaires
À la place je suggère que l’on fasse passer des examens écrits et oraux aux candidats avec des questions précises et pertinentes, comme aux collégiens. Les meilleures notes obtenues détermineront le ou les gagnants. Qui dit mieux ? Nous pouvons toujours débattre du bien-fondé de cette suggestion; pas à la télé bien entendu. Plutôt, débattons dans les rues, sans nous mettre des bâtons dans les roues.