Par les temps qui courent et le froid qui règne, rien de mieux qu’une bonne dose de dépaysement pour fuir la mélancolie hivernale vancouvéroise. Mais avoir une raison de partir n’est pas suffisant. Il faut se trouver une destination et prévoir quelques formes de distractions. J’ai convoqué une réunion de famille afin de brasser nos idées. En quelque sorte un brassage des méninges qu’il a fallu dégeler en regard des conditions météorologiques peu clémentes. Le verdict fut rendu à l’unanimité : direction les États-Unis avec l’espoir d’assister à un spectacle hors du commun.
Entre temps, nous avons appris que le cirque Barnum avait décidé, après 146 ans d’existence, de faire un dernier tour de piste avant de claquer…la porte et de mettre la clef sous le paillasson. En termes concrets : le plus grand spectacle au monde, c’est ainsi qu’il se définissait, s’est éteint. Le cirque est mort, vive le cirque.
Dans la foulée, en pleine cogitation, nous avons donc constaté qu’un autre surprenant et majestueux spectacle allait débuter dans l’espoir de remplacer le défunt cirque. Le nouveau Grand Cirque d’Amérique (GCA, à ne pas confondre avec Goldman Charter Accountants), proche du Capitole de la capitale Washington, a ainsi vu le jour. Façon de parler car il n’y a pas que des lumières sous ce nouveau chapiteau. Après avoir mûrement réfléchi, nous avons estimé que nous ne pouvions manquer ce show offert par nos voisins du sud. L’occasion était trop belle, pourquoi s’en priver ? Le Canada, c’est bien beau mais on l’apprécie davantage après l’avoir quitté.
Nous avons donc plié bagages et pris la route pour les USA. À la frontière, pas trop de problème. Le mur, qui nous séparera peut-être un jour, n’a pas encore été érigé. Ça viendra, m’a fait comprendre un résident du coin, de toute évidence dérangé par mon accent. Un douanier m’a demandé, au passage, si ma voiture de fabrication japonaise avait été construite au Canada et si j’avais l’intention de m’en débarrasser une fois la frontière franchie. Je l’ai rassuré en lui faisant croire que j’étais contre le libre-échange et favorable à la construction de murs au nord comme au sud et tout le long de l’Atlantique et du Pacifique. J’ai dû bien mentir. Il m’a cru et nous a laissé passer. Les hostilités auxquelles nous devons nous attendre dans un avenir très proche, de toute évidence n’ont pas encore été déclenchées.
Une fois arrivés à bon port, nous sommes allés admirer le nouveau grand chapiteau dont l’ouverture était prévue pour le 20 janvier 2017, il y a donc quelques jours de cela. Ils en étaient encore aux préparatifs. Fortement influencé par le Cirque de Moscou, duquel il semble beaucoup dépendre et avec lequel il désire s’acoquiner, le Grand Cirque d’Amérique ne manque pas une occasion de faire parler de lui. Avec un maître de cérémonie haut en couleur et faible en substance, un twitter twitté, une espèce de clown aux grandes godasses qu’il met dans les plats et qui n’en fait qu’à sa tête que certains pensent qu’il a perdue, le cirque nous promet des représentations inédites, déconcertantes, le plus souvent navrantes pour ne pas dire effrayantes selon de nombreux détracteurs. Les actes présentés peuvent s’avérer dangereux, ils n’inspirent pas confiance. Fini donc le spectacle des éléphants du cirque Barnum. À la place le GCA présente l’éléphant du parti républicain. On y perd au change.
À se fier aux performances des artistes convoqués jusqu’alors pour leur confirmation, il y a de quoi être inquiet. Tous des illusionistes, des magiciens, des acrobates, qui n’ont pas peur pour l’occasion de contredire leur
boss et de nous faire avaler des couleuvres. À les écouter tous, on ne sait plus sur quel ennemi danser : Daesh ? Merkel ? la Chine ? Poutine ? Une grande confusion semble régner au sein de l’administration de ce nouveau cirque. La finance et l’armée en ont pris les commandes mais à quelles fins si ce n’est de servir leurs propres intérêts personnels, je me demande ? « Laissez-nous faire. Nous savons ce que nous faisons » ont-ils l’audace de prétendre. À les entendre on leur donnerait le bon Dieu sans confession. Moi, je ne leur donnerais même pas la main de ma sœur sans concession. Leur intention inavouée ? Nous hypnotiser, nous endormir. Avec ce nouveau cirque, une phase dangereuse vient de prendre forme. América, par pitié, restez éveillé(e).
Pendant les quatre prochaines années je devrai me pincer pour m’assurer que je ne rêve pas, que ce cirque n’est qu’une illusion. Depuis, nous sommes revenus au pays. Il pleuvait et il faisait toujours froid. À la lumière du spectacle auquel nous venions d’assister et en regard de ceux à prévoir, cela m’a moins dérangé. Home, sweet home.