Bienvenue dans l’année du Coq ! Malgré le froid et les intempéries, la foule était au rendez-vous pour assister au défilé du 44e Nouvel An chinois à Vancouver. Danseurs, dragons et lions multicolores paradaient au rythme des tambours. De larges banderoles se déployaient entre les membres d’associations chinoises locales. Au fil de la marche, les idéogrammes s’éloignaient pour laisser place à un escadron de motards sikhs, une distribution de chocolats par l’Armée du Salut ou encore un concert de mariachis.
D’après le site officiel de l’événement, plus de 3000 personnes de différentes ethnies ont défilé devant 100 000 spectateurs. Cela correspond à un habitant sur six si l’on se base sur les statistiques démographiques de Vancouver en 2016.
Le Nouvel An chinois est donc une fête populaire de grande envergure qui fait pleinement partie de la vie culturelle locale. Elle s’inscrit aussi dans l’identité de Vancouver, à la foi multiculturelle et très liée à l’Asie. Mais cela n’a pas toujours été le cas.
« Les Chinois de Vancouver ont dû lutter pendant des années avant d’obtenir des droits »
Comme le rappelle une représentante du Dr Sun Yat-Sen Classical Chinese Garden, ce n’est qu’en 1947 que les Vancouvérois d’origine chinoise ont obtenu le droit de vote. Pourtant, cette population était bien établie dans la région depuis les années 1850.
Durant toute la deuxième moitié du XIXe siècle, des milliers de travailleurs traversaient le Pacifique pour tenter leur chance au Canada, notamment sur les chantiers de chemin de fer. Le gouvernement de Colombie-
Britannique avait alors créé un impôt spécialement réservé aux immigrés. Aussi, le regroupement familial était très limité jusqu’au début du XXe siècle. Ce contexte peu accueillant explique sans doute le repli de la population chinoise sur elle-même pendant des décennies.
Ce n’est véritablement qu’à partir des années 1960 que Chinatown a suscité l’intérêt des Vancouvérois d’origine anglo-saxonne. À l’époque, la ville de Vancouver voulait rénover les quartiers situés à l’est du centre-ville. Strathcona et une partie de Chinatown devaient être rasés. La mobilisation des associations de commerçants chinois et l’appui de l’opinion publique, favorable à la préservation des bâtiments historiques, ont eu raison de ces projets.
Les associations de commerçants de Chinatown ont un rôle fondamental au sein de la communauté chinoise de Vancouver.
Nées pour la plupart entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle, ces associations ont un pouvoir à la fois économique et politique. Certaines se sont illustrées dans la gestion de conflits communautaires, d’autres dans la défense des droits des immigrés chinois ou la création d’œuvres caritatives.
Leurs actions auprès du gouvernement ont permis aux Chinois nés en Colombie-Britannique d’obtenir le droit de vote en 1947. Dans un registre plus léger, la création du concours annuel de Miss Chinatown Vancouver dans les années 1960 a permis d’attirer de nombreux visiteurs non asiatiques dans le quartier, notamment des représentants de grandes entreprises et des politiciens. Cet événement est en quelque sorte un avant-courrier du Vancouver Chinatown Spring Festival, communément appelé Nouvel An chinois.
Organisé depuis 1973 par la Chinese Benevolent Association (CBA), le défilé est devenu un événement multiculturel de grande envergure. À tel point qu’il est retransmis en direct et en intégralité par une chaîne de télévision locale. Le déploiement de tels moyens s’explique par la puissance de la CBA au sein de la communauté chinoise. Ancrée dans différentes villes de l’Amérique du Nord, cette « méga-association » représente plus de 80 organisations non gouvernementales visant à servir les intérêts des immigrés chinois. Elle a aussi un contact privilégié avec la Chine et son gouvernement. À titre d’exemple, lorsque le président chinois Hu Jintao est venu à Vancouver en 2005 dans le cadre d’une visite officielle, la CBA s’est occupée d’organiser les activités de son séjour.
La volonté de partager la plus importante des fêtes traditionnelles chinoises avec l’ensemble de la population de Vancouver, toutes ethnies et religions confondues, montre une volonté d’ouverture et de dialogue entre les peuples. Reste à savoir si cette démarche est désintéressée ou bien motivée par des intérêts politiques et économiques.
La nouvelle année chinoise a commencé le 28 janvier dernier. Cette date change d’une année à l’autre alors que le calendrier occidental débute par convention le 1er janvier et s’achève le 31 décembre. Ces différences sont le résultat d’une longue série de méthodes appliquées pour mesurer le temps qui passe. Ces méthodes ont varié en fonction des périodes et des zones géographiques.
En 1582, le pape Grégoire XIII a institué un nouveau calendrier dans les pays catholiques. Son utilisation s’est par la suite généralisée au fil des siècles et s’est maintenue jusqu’à nos jours. Le calendrier dit grégorien est solaire, c’est-à-dire qu’il se base sur le temps que la planète Terre met pour faire le tour complet du Soleil. Soit 365 jours divisés en 12 mois de durée inégale.
Le calendrier : une question de point de vue
La Chine et ses anciennes colonies utilisent le calendrier grégorien de manière officielle depuis le 1er janvier 1929. Cependant, leur calendrier n’est pas complètement solaire, mais luni-solaire. Les mois sont calculés à partir des cycles de la Lune. Dans une année solaire, il y a douze mois lunaires et plus d’une dizaine de jours. C’est la raison pour laquelle on ajoute sept mois intercalaires au cours de dix-neuf ans pour que l’année reste dans l’ensemble une année solaire.