Le lendemain de l’assermentation de Trump à la Maison-Blanche, des millions de femmes (et d’hommes) ont manifesté leur colère aux quatre coins de la planète. À Mazatlan, au Mexique, 300 à 400 expatriés, américains et canadiens, ont manifesté sur le front de mer. Ce sont, pour la plupart, des retraités qui passent une partie de l’année au Mexique. L’un d’eux m’a dit que c’était sa première manif depuis la guerre du Vietnam. Certains ont exprimé un peu d’inquiétude, car, après tout, la constitution mexicaine interdit aux étrangers de participer à toute action politique dans le pays. Dans ce cas, il n’y avait pas d’inquiétude à avoir, car au Mexique, toute manifestation anti-Trump est plutôt la bienvenue. Les passants mexicains ont d’abord été surpris de voir ce défilé de manifestants du troisième âge, mais, très vite, beaucoup d’entre eux ont applaudi et certains se sont joints au cortège.
Il est vrai que les sites internet du gouvernement canadien (mais aussi américain, britannique… etc.) enjoignent leurs citoyens en vacances à l’étranger d’éviter les manifestations et de se méfier de toutes agitations politiques sur la voie publique. La recommandation n’est pas absurde. Si vous êtes dans un pays musulman et que vous voyez cent mille personnes en colère criant «Allahu akbar » en train de brûler des drapeaux de pays occidentaux, il est sans doute préférable de rester dans votre chambre d’hôtel. Mais dans un pays relativement paisible et démocratique, je ne vois pas de raison d’éviter toutes les manifestations. On peut très bien s’y intéresser sans aller jusqu’à y participer.
À La Paz, en Basse-Californie au Mexique, j’ai discuté avec un groupe de gens qui manifestaient contre une compagnie minière canadienne qui, selon eux, menaçait l’environnement de leur région. J’ai été attiré par l’un d’eux qui brandissait une pancarte dénonçant l’impérialisme canadien. Découvrant que je venais du Canada, ils se sont empressés d’expliquer qu’ils n’avaient rien contre les Canadiens même s’ils étaient opposés aux agissements des compagnies minières de ce pays. En Uruguay, des ouvriers agricoles qui manifestaient dans la capitale ont été surpris de voir qu’un étranger de passage s’intéressait à leurs problèmes et ils ont pris le temps de me parler de leurs vies. J’ai eu des expériences semblables lors de grandes manifestations à Buenos Aires, où les manifs sont fréquentes au point d’en être une sorte de sport national. C’est l’occasion de rencontrer les gens du coin et de discuter avec eux, ce qui, pour un voyageur de passage, n’est pas toujours facile. Or, rencontrer des gens est essentiel si l’on veut que le voyage soit plus que d’acheter une semaine de soleil dans une usine à bronzer.
Ma méthode est toujours la même. Observer la manifestation à distance pour s’assurer qu’elle est paisible et qu’elle ne risque pas de tourner à l’émeute. Ensuite, il suffit d’approcher des manifestants en marge du cortège et d’expliquer que vous êtes un étranger de passage qui aimerait bien savoir de quoi il s’agit. En tant qu’étranger, il convient, selon moi, de ne pas trop faire part de ses idées, mais de plutôt poser des questions et d’écouter.
Ainsi, au cours des années, j’ai pu avoir des conversations intéressantes avec des gauchistes grecs, des grévistes français, des sans-papiers africains, des écolos allemands, des démocrates à Hong-Kong, des nationalistes italiens anti-immigration, des séparatistes écossais, des écolos mexicains, des anti-capitalistes portugais etc. J’admets que certains de mes amis trouvent mon engouement pour les manifs un peu bizarre. Peut-être qu’un journaliste à la retraite ne peut pas s’empêcher de demeurer un peu journaliste tout de même.