Doit-on boycotter les États-Unis ? 

Manifestants rassemblés à l’aéroport de Raleigh-Durham en Caroline du Nord le 29 janvier pour protester contre les mesures anti-immigration du président Trump. | Photo par Matthew Lenard

Dans le domaine du tourisme, les appels au boycott ne sont ni rares ni nouveaux. Leur efficacité est difficilement quantifiable. Comment compter les gens qui ne sont pas venus? Comment déterminer qu’ils ne sont pas venus à cause de l’appel au boycott? L’industrie touristique américaine craignait que l’élection de Donald Trump soit néfaste à ce secteur. Des études de marketing récentes prouvent que ces craintes n’étaient pas vaines.

Les experts de la mise en marché touristique savent que les gens qui songent à visiter un pays étranger font des recherches sur internet au moins trois mois à l’avance. Or, dans les deux semaines qui ont suivi l’investiture de Trump à la Maison-Blanche, le nombre de ces recherches a chuté de 17 % par rapport aux deux semaines qui précédaient la cérémonie. Depuis, des études plus détaillées sont encore plus inquiétantes pour l’industrie touristique. Les recherches de vols en provenance d’Arabie Saoudite et du Golfe (marché très recherché car ces touristes-là dépensent gros) ont baissé d’un tiers. En ce qui concerne les Britanniques songeant à se rendre en Floride, le nombre de recherche sur les vols a baissé de moitié. Les deux plus grandes sources de visiteurs étrangers aux États-Unis sont le Canada et le Mexique et les sondages indiquent que les citoyens de ces deux pays sont moins enclins à se rendre chez leur voisin depuis l’arrivée au pouvoir du Donald. C’est particulièrement vrais pour les Mexicains (dix-huit millions d’entre eux ont visité les États-Unis l’an dernier) et beaucoup disent que d’aller dépenser de l’argent chez ces Gringos est devenu quasiment un crime antipatriotique.

Les défenseurs de Trump (ils existent, même si vous n’en connaissez pas beaucoup) feront valoir que quelques milliards de plus ou de moins importe peu dans un pays doté d’une économie si grande et si diversifiée. Ils pourraient également rappeler que les touristes étrangers ont très peu d’impact dans bon nombre de régions du pays. Il est vrai qu’au fin fond de l’Oklahoma ou du Nebraska on ne s’attend pas à voir débarquer des vacanciers allemands, japonais ou français. Il est également vrai que la baisse du peso mexicain, du dollar canadien, de la livre et de l’euro ont peut-être autant d’impact sur les plans de vacances des étrangers que les considérations d’ordre politique. Mais les acteurs du secteur touristique rappelleront que les États-Unis sont numéro deux au monde (après la France) pour le nombre de touristes étrangers. Les visiteurs étrangers sont même d’une importance capitale pour certaines régions, notamment New York, la Californie et la Floride. Une étude récente affirme qu’une baisse annuelle de 1 % du nombre de touristes étrangers se traduit par la perte de soixante-dix mille emplois directs et indirects.

Ce n’est pas tant l’appel au boycott qui inquiète les professionnels du tourisme américains que l’image désastreuse du pays auprès des étrangers depuis l’élection de Trump. Tout comme pour les produits de consommation, une destination touristique est sujette aux phénomènes de modes et d’images. Barcelone est devenue à la mode à cause de son image cool et non pas à cause de massives campagnes publicitaires ou l’ouverture de nouveaux musées. On pense aussi à l’exemple de l’Islande qui, du jour au lendemain, est devenue une destination à la mode grâce, en partie du moins, à son image de petit pays héroïque qui a su tenir tête aux pressions des «méchants» de la finance internationale. Son image de pays progressiste est telle qu’on lui pardonne même le fait qu’il pratique la chasse à la baleine. Or, en matière d’image, le trumpistan est mal parti. Chaque article relatant les mauvais traitements de visiteurs aux mains des services d’immigration américains anéantit les efforts des experts en promotion touristique. En plus, une des raisons qui nous font choisir un voyage à l’étranger, c’est de pouvoir s’en vanter un peu auprès de ses collègues et amis. Or, de nos jours, ceux qui vous disent qu’ils vont aux États-Unis ajoutent souvent une raison (c’est pour mon travail, c’est pour voir des amis, c’est parce que j’y ai de la famille, etc.) comme s’ils se sentaient obligés de s’excuser d’avoir fait un choix de si mauvais goût.

L’industrie touristique américaine a tout de même reçu une rare bonne nouvelle. Le nombre de recherches internet sur les vacances aux États-Unis a augmenté de 88 % en Russie dans les deux semaines qui ont suivi l’arrivée de Trump au pouvoir.