Je viens à peine d’avoir 19 ans, et heureusement ma crise d’identité (une crise psychologique qui survient lors de l’adolescence et qui parfois se prolonge dans la vie adulte) est rapidement passée. Durant une bonne partie de ma vie, je n’ai pas su qui j’étais, entre autres parce que je suis « exotique ». Et par « exotique », je fais référence au fait que j’ai des origines ethniques qui font de moi une minorité visible au Canada. Lorsque j’étais plus jeune, je voulais être comme Barbie, pas parce qu’elle était fabuleuse, mais parce qu’elle était « caucasienne ». Pour moi, à cette époque, être « caucasien », peu importe le sexe, signifiait être une personne qui a réussi dans la vie, qui est séduisante, ainsi que privilégiée, et être Canadien signifiait être « caucasien ». Bien que je sois née ici à Vancouver, je ne me suis pas sentie du tout Canadienne pendant mon enfance en raison de mon nom étranger et surtout à cause de ma peau basanée. Je m’identifiais plutôt avec mon héritage ethnique qu’avec la culture de mon pays natal.
Étant la fille de deux immigrants qui viennent de pays différents, j’ai eu de la difficulté à me conformer aux
traditions des deux cultures. Je me demandais toujours pourquoi il avait fallu que j’aie une descendance mixte. Je voulais être soit d’une culture, soit de l’autre, mais pas des deux en même temps. Pourtant, malgré la complexité d’être de deux origines ethniques différentes, je préférais toujours me présenter aux personnes en tant qu’Iranienne et Salvadorienne plutôt que Canadienne. Je me sentais très mal à l’aise dans mon propre pays. Pour une raison que j’ignore, je sentais que le Canada appartenait uniquement aux blancs et que nous, les personnes de couleur, n’étions pas de vrais Canadiens. Cette pensée est probablement née en moi parce que, dans mon enfance, j’ai vécu des moments traumatisants à Vancouver liés au racisme. Je n’oublierai jamais l’intimidation que j’ai subie dans cette ville qui est soi-disant hospitalière envers les gens de couleur. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, à l’âge de 15 ans, j’ai supplié mes parents de changer mon prénom légal pour un prénom moins étranger : Leyla. J’ai cru qu’en faisant cela, je me sentirais plus Canadienne, mais j’ai eu tort. Changer mon prénom n’a pas changé ma physionomie.
Au cours des années, j’ai dû constater qu’il n’y avait aucun moyen d’échapper à mon identité culturelle. C’est donc pourquoi j’ai appris à la chérir. Quoi que je fasse, elle me suivra toujours, cette aura étrangère qui me distingue des autres personnes. Je suis unique grâce à mon origine ethnique, et maintenant que je suis un peu plus âgée, je me rends à l’évidence que Vancouver est cosmopolite et qu’il y a d’autres personnes métisses comme moi qui s’y trouvent. J’ai heureusement compris que les « caucasiens » sont, comme moi, des descendants d’immigrants.
Les Vancouvérois s’intéressent toujours à connaître mon héritage et sont fascinés par celui-ci. Ainsi, je suis fière de leur raconter que je suis moitié perse, moitié hispanophone, et que je parle couramment le français dans une province anglophone en plus de mes trois langues maternelles. Je suis un amalgame de cultures et je suis très heureuse d’être née à Vancouver, où la diversité est célébrée et où toutes les personnes ne sont pas racistes comme celles que j’ai rencontrées il y a longtemps. Toute la province est multiculturelle et diverse, même parmi les communautés « caucasiennes ». Être Canadien, ce n’est pas avoir les yeux clairs ni la peau blanche, mais c’est plutôt être ouvert d’esprit et être fier de nos origines ethniques et de notre nationalité canadienne.