Le 23 mai dernier, M. Alain Dupuis prenait à seulement 29 ans la tête de la direction générale de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, (FCFA), un organisme porte-parole des francophones du pays. Le rajeunissement pour cette institution est jugé audacieux par certains et attendu par d’autres. Une manière de mettre la jeunesse aux premières loges décisionnelles, à l’image d’une francophonie en mouvement. Pour certains dans la francophonie britanno-colombienne, cette nouvelle tendance ou, disons, cette idée de rajeunissement des directions susciterait, pour eux, des questions. Est-ce que les instances francophones d’ici seraient trop frileuses à cet enjeu de renouvellement de générations ? Les institutions francophones sont-elles prêtes à emboîter le pas à la FCFA ? Pourrait-on déjà parler d’une amorce pour donner plus de place à la jeunesse dans les instances dirigeantes francophones ? Pour en savoir plus, le journal La Source est allé à la rencontre de quelques responsables au sein de la communauté francophone. Une prise de paroles sur le vif.
Bien que la nomination de M. Alain Dupuis à la tête de la (FCFA), ait été saluée par certaines directions de la province comme un pas en avant pour l’avenir de la francophonie, il faut admettre que pour la majorité des organismes, la nouvelle a été peu discutée, voire non relevée.
À tout seigneur, tout honneur, la présidente de la Fédération des francophones de Colombie-Britannique, Mme Padminee Chundunsing, revient sur la place de la jeunesse dans les directions francophones de la province et fait part de son opinion sur la question.
La jeunesse mais pas seulement
Padminee Chundunsing établit un premier constat : « On dit souvent qu’il n’y a pas de relève dans la francophonie, c’est un aspect positif que de voir des jeunes s’impliquer ». Pour autant il ne faut pas tomber dans le jeunisme à tout prix. Alain Dupuis doit son poste à ses compétences, ses idées et son dynamisme. C’est ce qui prime pour un conseil d’administration dans le choix d’un directeur ou d’une directrice. Padminee Chundunsing salue et se félicite des choix de directions rajeunies en Colombie-Britannique, comme c’est le cas pour RésoSanté, La Boussole, le Conseil jeunesse francophone ou encore le Conseil culturel et artistique francophone. Mais Mme Chundunsing reste mesurée et prône le mélange générationnel, garantissant un équilibre décisionnel.
Lily Crist, présidente de l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne, et directrice générale de La Boussole partage cet avis, les compétences priment sur l’âge. Actif défenseur du renouveau des postes décisionnels, elle admet que les jeunes ne se rendent pas toujours compte du travail qu’exige un conseil d’administration. Padminee Chundunsing le confirme : « Quand on cherchait un directeur général, aucun jeune n’avait postulé, c’est aussi ça, peut-être qu’ils ne veulent pas de telles responsabilités à leur jeune âge ». Elle aimerait voir la jeunesse plus engagée au sein de la communauté. Pourtant, c’est bien le fait de se sentir représenter, de se reconnaître à travers les projets des institutions francophones qui attirera davantage la jeunesse. Si les directions générales ne sont pas toujours celles d’un renouveau, il faudrait s’interroger sur la constitution de leurs conseils d’administration et leur esprit d’ouverture à l’égard des jeunes.
Donner la chance au coureur
« Quand un seul type de personnes prend les décisions, elles ne seront faites que pour une catégorie de personnes », affirme Lily Crist. Même son de cloche pour Pierre-Luc Chénier, membre du conseil d’administration de la Société francophone de Victoria, qui souhaite davantage d’ouverture au sein des conseils d’administration pour arriver à nommer des directions plus en adéquation avec la réalité de la francophonie : « On a besoin d’une vision nouvelle dans la francophonie, notre compréhension en est un peu dépassée parfois ». Bien que cette présence de la jeunesse soit lente, cela progresse au sein des conseils d’administration. Pour lui, les idées et les compétences priment sur l’expérience qui peut être partagée entre générations. La priorité pour les conseils d’administration est de bien évaluer l’alignement des directions générales avec les besoins de la communauté, d’adopter une vision actualisée et renouvelée de la francophonie et de ses enjeux.
Faire place ou se faire sa place, si les jeunes doivent forcer la porte, c’est que déjà celle-ci ne leur est pas grande ouverte. C’est aussi là qu’il existe une sorte de verrou. D’après Lily Crist, il faut aller chercher les jeunes et leur donner les moyens de réussir. Elle propose de s’appuyer sur des outils existants d’analyse comparative pour représenter au mieux la réalité démographique, d’adopter un système de mentorat auprès des jeunes qui ont du potentiel à exprimer, les aider à acquérir les aptitudes nécessaires pour la suite. Elle insiste sur le fait que la jeunesse n’est qu’un pan des changements à apporter. Être à l’écoute du terrain et faire en sorte que les conseils d’administration soient à l’image de la francophonie, avec plus d’inclusion des jeunes, mais aussi des femmes, des personnes de tous horizons et de toutes orientations sexuelles. Elle en voit déjà le résultat, notamment à travers le travail de Réseau-femmes, dont certaines femmes occupent des postes de responsabilité aujourd’hui, comme elle.
Malgré de lents changements, la Colombie-Britannique a déjà opéré quelques avancées en matière de dialogue et d’ouverture envers sa jeunesse francophone. Toutes les trois personnes interviewées sont conscientes du moment charnière que doivent savoir saisir les instances francophones pour garantir leur vitalité. Si certains organismes se posent encore la question, d’autres sont passés à la vitesse supérieure et en récoltent les bénéfices. Une communauté qui ne cherche pas à se renouveler est vouée à ne pas aller de l’avant. La représentativité du genre est probablement le combat suivant. Pierre-Luc Chénier conclut : « La vitalité de la communauté francophone dépend des personnes aux postes de responsabilité, la jeunesse est une nécessité, j’y vois un futur qui s’améliore ».