Grandir à Vancouver a été pour moi une expérience différente de celle de la plupart des gens. D’abord, je suis une Vancouvéroise, née et éduquée ici. Ensuite, ma famille, bien que de souche chinoise, réside ici depuis quatre générations.
Grandir à Vancouver a été déroutant pour moi. Je ne suis jamais parvenue à m’intégrer, ce qui est bête, puisque je suis une Vancouvéroise de la quatrième génération. C’est peut-être parce que les gens présument que je suis récemment arrivée dans la ville, alors que ce n’est pas du tout le cas, et ne peuvent croire que je sois unilingue anglophone. Je crois que c’est parce qu’ils ne connaissent pas l’histoire de la ville.
J’ai grandi dans une partie de la ville qui abritait surtout des immigrants de souche chinoise et européenne. Mon apparence, me semblait-il, me marquait comme appartenant faussement à certaines catégories, peut-être à cause des amis et des endroits que je fréquentais. On me croyait étudiante d’anglais langue seconde, ou encore que je parlais et comprenais le chinois (cantonais).
C’est bizarre d’être perçue comme une étrangère ou une nouvelle venue dans la ville où je suis née et où j’ai passé toute ma vie. Il est curieux que les gens supposent automatiquement que mes parents ne sont pas d’ici, et qu’on ne leur parle pas en anglais. Cela me paraît bien étrange qu’on se forme autant d’idées fausses basées uniquement sur les apparences.
Une chose qui a attiré mon attention en grandissant est que les gens aiment se regrouper. Ils forment des cliques, tantôt basées sur leur ethnicité, tantôt leur langage. On se sent confortable avec des gens qui nous ressemblent, qui sont tous victimes des même préjugés.
À mon école secondaire, il y avait des démarcations claires entre les Blancs et les Chinois. Et parmi les Chinois, on retrouvait aussi des démarcations entre ceux de Hong Kong qui parlaient le cantonais, les Taïwanais qui parlaient le mandarin, et les Chinois nés au Canada.
Je n’ai jamais ressenti d’appartenance à cette ville. J’ai grandi dans l’ouest de la ville et ne m’y suis jamais sentie à l’aise. Je me sens comme une étrangère même si ma famille y a habité pendant quatre générations, alors que le quartier s’appelait Point Grey.
Je me souviens que, dans les années 1980, il y a eu tout un boucan au sujet des « maisons monstres » et je me demande si cette consternation ne se basait pas sur la race, en particulier les Chinois de Hong Kong. Cette ville a une longue histoire de racisme envers la communauté chinoise. Je me rappelle aussi que parler une autre langue que l’anglais invitait la désapprobation.
Je pense que Vancouver est une ville très diverse avec tous ses habitants d’apparences, de cultures et de langages variés. On aime déguster la cuisine d’une multitude de pays, mais se parle-t-on, et se rapproche-t-on des gens qui viennent de ces pays ? Il est trop facile de rester dans des groupes familiers et réconfortants. Il est beaucoup plus difficile d’élargir sa sphère. Il est pourtant possible de construire des ponts et d’apprendre les uns des autres. J’en connais qui le font.
Mais je ne crois pas qu’ils soient assez nombreux. On voit la ville comme étant un lieu hostile et isolant, dont les habitants diffèrent de soi. Au lieu de cela, il faudrait voir la ville peuplée de gens qui désirent la même chose. Il faut découvrir ce que nous avons en commun plutôt que d’accentuer les différences. Si nous bâtissons le sens de communauté, alors nous nous parlerons davantage et en apprendrons plus sur chacun de nous. Car ce qui est nécessaire dans une cité diverse, c’est plus d’interaction, plus de compréhension, et le développement d’un territoire commun.
Alors la ville cessera de ressembler à une vaste entité inamicale et étrangère, et deviendra une communauté de communautés.
Traduction par Louise Dawson