Le peintre syrien Khaled Alkhani, exilé à Paris depuis l’éclatement de la guerre dans son pays, expose ses œuvres pour la première en fois en Amérique du Nord à Vancouver dans une collection intitulée Intellectual Concerns. Portrait d’un artiste en lutte tant avec le pouvoir qu’avec ses souvenirs.
Khaled Alkhani est un artiste engagé. Son travail est inséparable de son histoire personnelle, très tôt marquée par l’opposition au pouvoir autoritaire en Syrie. Après l’assassinat de son père, alors que sa mère l’élève seule, il est surveillé par la police qui l’interroge régulièrement sur ses activités.
Après sa participation à des manifestations à l’aube de la révolte de 2011 et à la publication de ses articles sur les massacres de Hama, il est contraint de fuir, se réfugiant en Allemagne puis en France.
Zohra Bonnis, fondatrice de la Z Gallery Arts, a immédiatement souhaité collaborer avec Khaled Alkhani lorsqu’elle a vu ses œuvres et appris son parcours : « C’est son histoire qui le rend si fascinant, et cela se ressent dans sa peinture », glisse-t-elle.
Exorciser la douleur par l’art
Marqué par ces expériences, le peintre illustre la violence de la guerre, principalement par le biais de la figure de la femme. Ses corps féminins sont suggérés, aux visages anonymes et aux corps souvent mutilés, sans verser dans une violence sanguinolente. La déchirure de la Syrie est montrée par celle des corps qu’il peint.
Le critique d’art Christian Noorbergen estime ainsi que « l’expressionnisme contemporain de Khaled Alkhani conjure les mauvaises mémoires » et que « son art majestueux dit la vie infinie qui résiste infiniment, et sa peinture en éblouit l’étendue ».
Pour le peintre, l’art est le « seul moyen qu’ [il] a trouvé pour exprimer ses idées, ses sentiments et sa vie ». Les mots sont timides chez lui quand les mains sont plus agiles à s’animer, qu’elles racontent par des gestes ou couchent des huiles sur une toile.
Le titre de l’exposition, Intellectual Concerns (Préoccupations intellectuelles), reflète son état d’esprit quand il a produit ses tableaux, traumatisé et inquiet : « La guerre en Syrie m’a mis dans un état d’alerte et je me suis senti l’obligation morale de livrer un message au monde par mes peintures », explique l’artiste. Il admet aussi que ces tableaux sont sa manière à lui de surmonter son traumatisme causé par la violence dont il a été témoin.
Depuis, le peintre syrien a retrouvé plus de sérénité et ses œuvres se parent de plus de couleurs, ses corps sont entiers, ses visages arborent des sourires. Zohra Bonnis, de retour de la foire Context Art Miami, se félicite de l’accueil enthousiaste réservé à l’artiste en Floride : « Les spectateurs sont frappés par la beauté et la technique des tableaux de Khalid Alkhani », assure-t-elle.
L’exposition Intellectual Concerns est ouverte au public en entrée libre jusqu’au 27 janvier, du mercredi au samedi de 11 à 17 heures, également sur rendez-vous à la Z Gallery Arts, située au 102 – 1688 1ère Avenue Ouest à Vancouver.
Une histoire personnelle difficile pour un parcours artistique florissant
Khaled Alkhani est né en 1975 à Hama, en Syrie. De son père, opposant au parti Baas tué dans le massacre de Hama en 1982, il reçoit en héritage le combat contre l’oppression. Passé par l’école des Beaux-Arts de Damas, il travaille sur le thème de la liberté et de la démocratie. Son opposition au régime l’oblige à fuir la Syrie après le soulèvement de 2011. Il s’établit à Paris où il témoigne par son art des horreurs de la guerre qu’il a fuie. Connaissant un succès croissant avec des expositions en France et en Allemagne, il est pour la première fois exposé en Amérique du Nord, à Vancouver.