L’art théâtral peut-il à la fois divertir et faire réfléchir ? C’est le pari des trois Vancouvérois Sebastien Archibald, Kevin Loring, et Quelemia Sparrow, co-auteurs de la pièce The Pipeline Project. Sur les planches du 10 au 20 janvier au Firehall Arts Centre, leur création aborde les thèmes de la diversification de l’économie, de l’extraction des ressources naturelles et des revendications des peuples autochtones, engageant le public dans de grandes discussions.
Créé à l’origine pour exprimer leur désapprobation des projets d’expansion d’oléoducs en Amérique du Nord, The Pipeline Project donne lieu à un véritable dialogue sur l’économie du pétrole, fondement de notre modèle de société.
Mise en scène par Chelsea Haberlin et John Cooper, la pièce se compose de deux actes. Le premier met en scène trois personnages incarnés par les auteurs eux-mêmes. Puis, après le divertissement, le deuxième acte, intitulé Talk forward, propose une séance d’échanges avec le public. « Chaque soir on invite des intervenants aux profils différents : politiciens, écologistes, défenseurs de l’environnement, professeurs, éducateurs, militants et activistes pour les droits des autochtones », informe Chelsea Haberlin.
Une « exploration divertissante »
La pièce vise ainsi à encourager le dialogue. « Il s’agit d’une tentative d’explorer sous la forme théâtrale les débats entourant l’expansion de projets d’oléoducs et d’extraction de ressources dans notre pays », commente Chelsea Haberlin.
Pour Sebastien Archibald, co-auteur, l’engagement est au cœur du projet : « On voulait créer une expérience qui a de l’impact, car d’habitude l’état de conscience d’un spectateur s’arrête quand le spectacle est fini ».
Si les débats autour de ces questions sont parfois houleux, The Pipeline Project veut « encourager la conversation sans condamnations, dans une forme ouverte » pour la metteuse en scène. Sebastien Archibald rappelle, lui, que c’est aussi un divertissement, « avec une belle scénographie, de la musique, des projections murales ».
La perspective autochtone
Coproduite par Savage Society et ITSAZOO Productions, la pièce vise aussi à faire entendre la voix des peuples autochtones. Pour Kevin Loring, l’un des trois co-auteurs, « à chaque fois qu’il y a un projet d’extraction de ressources naturelles, on doit discuter avec les Premières Nations ». Sebastien Archibald précise à cet égard que l’objectif est de « mieux comprendre l’impact de l’extraction des ressources naturelles sur les communautés autochtones ».
Si la pièce fait à l’origine écho au projet inachevé du Northern Gateway Pipelines de la société Enbridge, qui prévoyait la construction d’un oléoduc entre l’Alberta et la Colombie-Britannique, aujourd’hui elle renvoie au projet d’expansion Keystone XL, soutenu par l’administration Trump. « En fait, la pièce ne se limite pas à un projet en particulier, elle aborde les préoccupations environnementales des gens de façon générale, comment vivre de façon plus durable », évoque Kevin Loring.
Explorer nos hypocrisies
Les personnages joués sur scène par les trois auteurs se font le reflet de notre société. « Il y a eu beaucoup de discussions lors de l’écriture, beaucoup de débats entre nous. Les personnages sont basés sur nous. Ils sont réels. Et les gens peuvent s’y identifier », relève Kevin Loring.
L’un d’eux est conscient des problèmes environnementaux, fait partie de la nation autochtone N’lakap’amux, mais conduit un SUV. « Il fait partie de l’économie pétrolière », lance son interprète Kevin Loring. Quant au personnage de Quelemia, qui vient de la nation Musqueam, il est plus tiraillé : d’un côté il aspire à une vie plus saine, et de l’autre il fait partie intégrante du modèle de consommation, adepte de yoga et de mode.
Enfin, Sebastien Archibald joue le rôle d’un militant pour la justice sociale, issu de la génération des Milléniums, mais qui ne saisit pas la complexité des enjeux. « Il est ignorant. C’est le militant écologiste blanc typique qui ne comprend pas vraiment. C’est un hipster de gauche », résume le comédien.
En définitive, pour Chelsea Haberlin, dans cette bataille sociale que constitue souvent le réchauffement climatique, la pièce se veut comme « un appel à l’action physique, un appel inspirant et mobilisateur ».
La pièce The Pipeline Project sera jouée du 10 au 20 janvier au Firehall Arts Centre.