J’ai perdu la tête et mon cœur n’est pas en fête. En fait mon cœur me fait la tête. Il n’en croit pas ses yeux : Doug Ford a été élu chef du Parti progressiste-conservateur de l’Ontario, et cet ancien conseiller municipal torontois pourrait devenir un jour en juin premier ministre de sa province. Avec le choix de Doug, frère de Rob et non d’Henri, les conservateurs de l’Ontario ont fait, de mon point de vue, un choix pour le moins regrettable.
De quoi affoler bien du monde. Si vous pensiez que le populisme de droite ne pouvait dépasser la frontière américaine pour venir tranquillement s’installer chez nous, vous vous étiez, tout comme moi, bercés d’illusions. Le vent de populisme qui souffle pratiquement de partout de nos jours me rend fou. Je le déteste à la folie.
À en juger la configuration géopolitique actuelle on peut affirmer, sans souci d’être contredit, que la vague de populisme, qui s’est emparée de la vie politique et qui fait des ravages sur son passage, continue de prendre de l’ampleur. Inquiétant. Avec son ascension sur la plus haute marche du podium du parti conservateur ontarien, Doug Ford, membre à part entière de la tristement célèbre Ford Nation, vient de prouver contre vents et marées que nous devons compter sur ce fâcheux courant pour nous rendre la vie misérable. Le populisme a donc pignon sur rue au Canada.
Au fond, rien de surprenant, cette maladie fait de plus en plus de casse de par le monde. L’Italie nous l’a encore démontré dernièrement, le populisme qu’il soit de gauche ou de droite poursuit son œuvre désastreuse de conquête d’un continent à l’autre. Il gagne du terrain sur tous les fronts. Il s’affiche dorénavant sans vergogne tout en faisant le pied de nez à la démocratie. Nous sommes en face d’une épidémie difficilement contrôlable. Nous, Canadiens, avons cru que nous étions immunisés, vaccinés, contre ce type de fléau. Faut croire que non.
Doug Ford vient de prouver qu’il est un digne plutôt indigne successeur des grands populistes canadiens. Il s’inscrit, avec moins de panache, dans la lignée de personnages tels que Maurice Duplessis, Réal Caouette, Preston Manning, Ralph Klein ou encore plus près de chez nous, Wacky Bennett, Bill Vander Zalm et même, je n’hésite pas à la ranger dans cette enceinte, Christy Clark notre ancienne première ministre dont par bonheur nous n’entendons plus parler.
À en lire ou à en écouter les observateurs de la scène politique internationale, le populisme de droite comme celui de gauche est une maladie qui présentement fait beaucoup de dégâts. Trump, Le Pen, Poutine, Erdogan, pour ne nommer que les plus évidents auquel on peut maintenant ajouter à une bien moindre échelle, car, tant mieux pour nous, il n’en possède pas l’envergure, Doug Ford, incarnent ce qu’il y a de plus vil dans la vie politique. Profitant du mouvement de rejet, par le peuple, des institutions et des élites souvent corrompues, ces populistes en puissance à la démagogie illimitée mettent à bas la démocratie pour l’assouvir et la soumettre à leur guise. Cette démocratie n’a jamais paru si menacée. Nous sommes dans une zone dangereuse et si nous n’y prenons garde nos démocraties risquent gros. Certes il est nécessaire d’être vigilant mais plus que cela, il faut lutter contre cette tare en s’assurant à chaque occasion (en votant, en manifestant) de rejeter ces vents de populisme dont on n’a que faire.
Notre système démocratique n’est pas parfait. Tant s’en faut. En son nom de graves abus et de nombreuses injustices peuvent être commis, mais à défaut de trouver mieux il est de loin préférable à tout ce que ces marchands de balivernes populistes nous proposent.
En voyant les manifestations de tous ces élèves, ces jeunes rescapés de la fusillade de Parkland en Floride, se lever contre les autorités poltronnes qui les gouvernent, je me dis qu’il y a de l’espoir. Ces jeunes font preuve d’une grande maturité qui échappe à tous ces adultes qui ont élu Trump et qui ont porté Doug Ford à la tête du parti conservateur ontarien. Pour cela j’abonde dans le sens d’Andrew Weaver, chef du Parti vert de la Colombie-Britannique qui vient de présenter un projet de loi faisant baisser à 16 ans le droit de vote dans notre province. Contrairement à leurs aînés, les jeunes ont prouvé qu’ils avaient bien la tête sur les épaules. Nous pouvons leur faire confiance. Ils m’apparaissent suffisamment mûrs pour bloquer les vents fous du populisme.