Le 21 mai prochain aura lieu la Journée mondiale de la diversité, une date établie par l’UNESCO depuis 2001. Le 1er mars dernier s’est tenu à Ottawa un colloque sur la francophonie canadienne, l’occasion d’approfondir nos réflexions sur la diversité que la francophonie a apportée au Canada.
La conférence Francophonie canadienne, histoire et migration est le moment idéal pour se rappeler l’histoire de la francophonie, se questionner sur l’apport des communautés francophones et sur les défis auxquels elle fait face. C’est aussi l’occasion de mieux comprendre les évolutions démographiques et identitaires de ces communautés au Canada.
Une perspective francophone
Plus de 400 ans après le départ des premiers colons d’Europe pour le Canada, le constat est clair : les francophones ont apporté bien plus qu’une langue. La psychologue spécialisée en relations interculturelles Rachida Azdouz a souligné lors du colloque que « le français au Canada est une perspective francophone en Amérique du Nord ». Pour l’experte, il s’agit d’un héritage apportant une alternative à la domination anglophone et hispanophone.
Là où il y a une langue, il y a une culture. Chercheuse à UBC, Gisèle Yasmeen souligne que « le point de convergence de la langue, c’est le bagage culturel qui va avec, et il peut parfois se référer à une lutte commune ». Cette lutte a aussi apporté un statut légal au français au Canada avec la Loi sur les langues officielles de 1969.
Une langue, de multiples visages
Les migrations de francophones en Amérique du Nord n’étaient pas constituées uniquement de Canadiens-Français mais aussi de familles françaises et belges qui sont venus, soit, directement de l’Europe ou parfois via l’Argentine.
D’autres migrations francophones viendront apporter leur pierre à l’édifice. Rachida Azdouz relève entre autres l’arrivée de Juifs séfarades et de Roumains francophones fuyant le climat délétère de la Seconde Guerre mondiale. D’autres viendront ensuite du Maghreb et d’Afrique pour tenter leur chance au Québec. Certains passeront d’abord par la France, mais l’attitude changeante face à l’immigration en France donnait l’impression que la porte française se refermait. « Cette capacité à accueillir les nations du monde entier est un atout du Canada », affirme le directeur général de la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique, Robert Rothon.
Aujourd’hui, l’immigration existe toujours mais la manière de la voir a quelque peu changé. Rachida Azdouz raconte qu’auparavant l’immigration se faisait envers et contre tout, « sans savoir si la situation allait être meilleure ou non ». Aujourd’hui, pour la spécialiste, nous évoluons « d’un paradigme de la migration à un paradigme de la mobilité ».
Le futur de la francophonie au Canada
D’après le Recensement de 2016, la dualité linguistique se porte bien puisque 17,9% de la population canadienne se dit bilingue, incluant le Québec qui compte 60 % des bilingues recensés. Sur ce sujet, Rachida Azdouz assure qu’il sera de plus en plus difficile d’évoluer sans la maîtrise de l’anglais, la langue devenant nécessaire pour tout travail. Une question se pose alors : « Les bilingues deviendront-ils des bilingues biculturels ou non ? »
Le nombre de Canadiens bilingues augmente aussi grâce à toutes ces communautés qui voient le français comme un atout. Selon Gisèle Yasmeen, il est par exemple possible d’observer à Vancouver des « communautés asiatiques très enclines à apprendre le français ». Pour qu’une langue soit vivante, il faut qu’elle soit parlée et apprise : ces communautés participeront selon elle au futur de la langue française au Canada.
La francophonie mondiale a aussi son rôle à jouer, avec en son cœur l’Afrique. « C’est là-bas que la démographie francophone mondiale évolue le plus, évoque Robert Rothon. Nous voyons d’ailleurs de plus en plus d’Africains se situant dans la francophonie institutionnelle mondiale et canadienne ».
Francophonie canadienne rime avec diversité. Pour beaucoup d’observateurs, le plus important est que la langue française soit vue comme un outil du vivre ensemble, et non comme un legs colonial. Dans cet esprit, Rachida Azdouz livre un dernier et précieux conseil : « Il faut voir l’avenir de la langue française d’une manière décomplexée ».
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