Nadine Provençal, professeure à la Faculté des sciences de la santé de l’Université Simon Fraser, vient d’obtenir 300 000 $ de la part de la Fondation canadienne pour l’innovation et du BC Knowledge Development Fund. Son objectif : décrypter les secrets de notre génome pour mieux comprendre l’exposition au stress.
L’étude de Nadine Provençal aidera à déchiffrer l’origine des troubles mentaux liés au stress, du début de la grossesse jusqu’à la fin de l’adolescence. La chercheuse originaire de Montréal travaille entre SFU où elle opère depuis un an et le BC Children’s Hospital Research Institute où elle est investigatrice dans le département de Healthy Start.
Détentrice d’un doctorat en pharmacologie et en épigénétique de l’Université McGill, Nadine Provençal se penche sur les mécanismes moléculaires : « J’essaie de comprendre comment l’exposition au stress tôt dans la vie s’associe au développement de troubles mentaux et psychologiques au cours de l’enfance, de l’adolescence et de l’âge adulte ».
La technologie au service de la science
Grâce aux outils modernes, Nadine Provençal est capable d’étudier le génome de façon beaucoup plus précise qu’auparavant. « Nous avons environ 22 000 gènes dans nos cellules, et aujourd’hui nous pouvons tous les regarder. Nous faisons des analyses sur 1000 personnes et ça génère beaucoup de données. On a donc besoin de méthodes analytiques poussées pour pouvoir analyser ces big data », précise-t-elle.
Les 300 000 $ lui permettront de se doter d’un équipement de pointe. Le laboratoire flambant neuf à SFU, intitulé Épigénomique des trajectoires de développement, comprendra une plateforme de séquençage de nouvelle génération capable d’analyser le génome entier de plusieurs individus. « C’est un outil révolutionnaire qui permet de regarder toutes les différentes couches d’information contenues dans la cellule et de tester toutes les séries de variables. C’est la superposition de toutes ces données qui permet de comprendre l’ensemble. Ces méthodes bio-informatiques sont essentielles pour ma recherche », indique la scientifique.
Décoder les mystères de l’ADN
L’épigénétique étudie les mécanismes qui régulent nos gènes sans affecter l’ADN. « On s’est rendu compte il y a plus de dix ans que l’exposition au stress ou à un trauma, par exemple la maltraitance à l’enfance, provoque des troubles de comportement, d’anxiété et de dépression à l’âge adulte », complète la spécialiste. La chercheuse tentera de mieux comprendre comment cette exposition affecte l’épigénome, car « le stress laisse des marques moléculaires ».
Par stress, il faut comprendre tout type de trauma provenant de l’extérieur. « Je me concentre sur la maltraitance à l’enfance, la victimisation à l’école, les abus physiques ou sexuels, voire même la négligence, précise Nadine Provençal. Ces traumas sont connus comme étant des facteurs de risque importants dans les dépressions, la schizophrénie, la bipolarité et les troubles anxieux ».
Nadine Provençal analysera les gènes d’enfants victimes de maltraitance, d’adultes souffrant de dépression, d’adolescents victimes de harcèlement scolaire, et de femmes enceintes. Ce sont des chercheurs de l’Université de Montréal, de l’University of California à Irvine et du Max Planck Institute of Psychiatry à Munich qui fourniront les échantillons d’ADN. « Ça prend beaucoup de monde et de collaboration », confie la scientifique. Nadine Provençal travaille aussi avec des cellules humaines qu’elle cultive dans son laboratoire afin d’analyser en profondeur les mécanismes épigénétiques qui modifient les gènes suite à une exposition au stress.
Une application concrète
Le but ultime est de comprendre l’impact de l’environnement pour mieux prévenir ses effets. « Ça aidera à mieux évaluer les interventions au niveau de la famille, de l’école, ou des psychologues, rapporte la chercheuse. Ça permettra aussi de développer des traitements pharmacologiques plus efficaces pour les adultes ».
Avec sa recherche, Nadine Provençal espère briser certains tabous : « Les troubles mentaux sont encore beaucoup stigmatisés, on n’en parle pas assez et les gens atteints n’osent pas aller chercher de l’aide, car ils ne réalisent pas que c’est une maladie traitable qui découle d’un mauvais fonctionnement de nos gènes. Si on arrive à mieux décrire les processus en jeu, ça peut aider les gens à aller chercher recours », argumente-t-elle.
Ce projet est la recherche de toute une vie. Si les financements le permettent, Nadine Provençal se consacrera à cette étude pour une dizaine d’années.