Petite, je rêvais de voyager, d’explorer les horizons et d’apprendre d’autres langues. Lorsque mes parents partaient en voyage, j’espérais toujours qu’ils m’embarquent au dernier moment dans leur périple. L’attente était longue et les adieux déchirants.
Alors, pour avoir le sentiment de m’évader aussi, je m’inventais un dialecte que j’apprenais à ma petite sœur. Je ne comprenais pas pourquoi nous ne parlions qu’une seule langue à la maison. J’aurais adoré que ma mère, de par ses origines, me parle grec. Mais mon grand-père, arrivé en France à 18 ans pour faire ses études de médecine, ne souhaitait pas le transmettre à ses enfants. Pour être complètement intégré dans la société, il était important, selon lui, de ne parler que français. C’était une autre époque !
En grandissant, je voulais vivre avec mon temps. Je souhaitais partir à l’aventure. Avec ses deux langues officielles, le Canada semblait être le pays idéal. J’allais pouvoir m’améliorer en anglais dans les provinces anglophones et passer des vacances au Québec pour discuter en français. Lors de ma première expérience canadienne à Toronto en 2012, j’ai été marquée par la diversité culturelle et par l’énergie de la ville. J’avais l’impression de changer de pays en changeant de quartier : le bonheur absolu. Par ailleurs, je sentais bien que je me trouvais en territoire anglophone, je n’ai pas vraiment eu l’occasion de parler français.
En partant cette année à Vancouver, dans une région à l’opposé du Québec géographiquement, c’était une évidence pour moi : je n’utiliserai pas non plus ma langue maternelle. Pourtant, je me suis vite rendu compte que la francophonie était bien présente en Colombie-Britannique et qu’elle semblait se développer considérablement.
J’ai eu d’abord la chance de rencontrer des Québécois avec lesquels je me suis sentie tout de suite proche, comme si nous faisions partie de la même famille. Et à ma grande surprise, j’ai découvert aussi que les anglophones d’ici aimaient le français et qu’un certain nombre d’entre eux le parlaient. Alors qu’en France, nous essayons d’inclure le maximum de mots anglais dans notre vocabulaire, ici la langue de Molière fascine.
Bien qu’ils s’excusent souvent – en bons Canadiens – de ne pas suffisamment bien parler notre langue ou de ne pas avoir le bon accent, tous ont une anecdote ou une expérience à partager. Ils retrouvent leurs sourires d’enfant en me racontant leur apprentissage du français à l’école ou leurs souvenirs de vacances à Paris. Petits et grands, chacun met du cœur à l’ouvrage pour progresser.
Mes petits voisins de 4 et 5 ans adorent apprendre de nouveaux mots et s’entraînent fièrement à prononcer le « r » à la française. Il m’est arrivé de surprendre leur mère qui, avec un accent anglais divin, veille à leur faire répéter quelques phrases. J’ai également eu droit à une invitation officielle pour jouer au football car, selon eux, « tous les Français sont bons dans ce sport ». Merci les Bleus !
Nous jouissons d’une image qui facilite les bonnes rencontres et les affinités, à condition bien sûr de se mettre à la randonnée. En arrivant à Vancouver, j’avais une certaine appréhension. Je n’ai finalement eu aucune difficulté à m’intégrer dans ma vie de quartier ou à me lier d’amitiés avec des Canadiens anglophones et francophones dont le cœur est aussi grand que leur pays. Aujourd’hui, je peux dire que je parle deux langues tous les jours.