La chanson qui résonne actuellement sur plusieurs stations de radio, les chaînes de télévision et les médias écrits, c’est la pénurie de main-d’œuvre qui asphyxie l’expansion et la compétitivité des entreprises canadiennes. Et pourtant, il y a énormément de personnes compétentes capables de couvrir tous les secteurs de l’emploi. Ce sont les résistances sociopolitiques et culturelles qui sont à blâmer. Par exemple, il suffit de se tourner vers ces milliers de francophones africains semi et hautement qualifiés pour résorber en partie ce prétendu fléau.
Avant d’aller plus loin, que dire de ces médecins formés à l’étranger qui conduisent des taxis dans plusieurs villes canadiennes. Ils demandent seulement qu’on les aide à adapter leurs formations antérieures aux pratiques canadiennes pour aider à combler le déficit du nombre de médecins, infirmiers et infirmières. Ce sont les ordres professionnels qui sont à condamner.
Pensez aux milliers de travailleurs semi-qualifiés africains qui maîtrisent la charpenterie, la maçonnerie, le métal, l’agronomie, etc. Ils n’attendent qu’on leur lance une perche pour pouvoir venir dynamiser notre communauté francophone en situation minoritaire, ici en Colombie- Britannique, et occuper plusieurs emplois qui manquent de travailleurs. D’autres francophones hautement qualifiés possèdent des maîtrises et doctorats qu’ils ont décrochés dans des universités de pays développés comme la France et la Belgique. Même si l’anglais peut constituer un handicap à leur arrivée, il peut être surmonté par ces hommes et femmes si instruits. Certains d’entre eux habitent des camps de réfugiés dans des pays anglophones où ils apprennent déjà l’anglais. Si les immigrants francophones africains ne viennent pas en nombre suffisant dans notre communauté francophone de Colombie-Britannique, c’est essentiellement la couleur de leur peau doublée de perceptions négatives tenaces des responsables du recrutement des immigrants francophones qu’il faut épingler.
Le véritable défi à relever est celui des politiques justes de recrutement des immigrants francophones. Que dire des ambitions affichées du gouvernement fédéral de pouvoir augmenter le nombre d’immigrants francophones depuis 2002 dans les communautés francophones en situation minoritaire, bien que les chiffres fournis par Statistiques Canada (2011 ; 2016) montrent que les immigrants francophones européens continuent à arriver de loin en plus grand nombre que ceux d’Afrique francophone alors que tout le monde sait qu’une grande partie de la francophonie vit en Afrique. Comment voulez-vous que les missions de recrutement qui se focalisent essentiellement sur l’Europe francophone puissent répondre aux ambitions gouvernementales si l’on tient compte du fait que le niveau de vie des pays européens est comparable à celui des Canadiens. Si les responsables de la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique (FFCB) qui sont en charge du recrutement portent leur attention sur l’Afrique francophone, des milliers d’emplois qui manquent de travailleurs qualifiés ici chez nous seront comblés. Peut-on prétendre que les responsables de la FFCB ne sont pas au fait de cette réalité ? J’en doute fort.
Ceux et celles qui croient que la dimension raciale ne fait plus partie de l’équation des politiques migratoires canadiennes se leurrent terriblement. Je crois qu’il faut aller au-delà de l’approche réductrice afin d’identifier les facteurs explicatifs de la pénurie de la main-d’œuvre. On parle tant du vieillissement de la population en esquivant la réponse à cette question primordiale : qu’est-ce qui fait que les jeunes familles ne veulent pas avoir plus de deux enfants ? C’est précisément parce que la société dans laquelle elles vivent ne leur offre aucune chance de faire vivre dignement leurs familles. Les jeunes qui quittent les régions rurales ne répondent qu’au cynisme des politiciens qui ont pendant des décennies mis en place des politiques de dévitalisation des régions éloignées des métropoles.
Ouvrez la porte aux francophones africains et ils arriveront en masse pour combler une partie de la pénurie de main-d’œuvre.
Mambo T. Masinda, PhD
Mambo T. Masinda est détenteur d’un doctorat en science politique de l’Université Laval. Il a travaillé à l’Université de la Colombie-Britannique comme chercheur postdoctoral avant d’occuper le poste de conseiller en adaptation à MOSAIC. Il travaille depuis plus de 10 ans maintenant au Conseil scolaire de Burnaby.