Adieu Démocratie, je t’aimais bien. Adieu Démocratie, je t’aimais bien tu sais. On a vécu d’heureux moments ensemble. On a partagé les mêmes joies et les mêmes plaisirs. On a profité à bon escient de tout le temps que tu nous as gentiment accordé.
Oui, Démocratie, je le vois, tu t’éteins à petit feu, par petits bouts, rouée de coups. De coups durs qu’on t’assène jour après jour plus durement. Adieu Démocratie je t’aimais bien tu sais.
Regarde-les, tes assassins. Regarde-les, tes bourreaux. Regarde-les dans le blanc des yeux, les yeux qu’ils détournent pour ne pas avoir à te faire face. Ils jouissent de ton trépas. Regarde comme ils se pavanent, ces ânes. Le dos au mur, ils t’ont acculée, ces en…foirés, ces ordures qui n’ont de cesse que de te bafouer, que de te terrasser, que de t’écraser pour ensuite finir par t’enterrer? Entend-les ricaner.
Adieu Démocratie. De partout, quotidiennement, tu perds du terrain. Tu en avais pourtant peu. Comme la peste, les autocraties t’empestent. Des despotes, petits et grands dictateurs en place ou en devenir, t’humilient, te brûlent à petit feu. Ils veulent t’immoler sur la place publique sous le regard jouisseur de spectateurs asservis, ignares et ignobles. La haine a fait place à l’amour que tu prônais avec générosité. Tu te souviens comme cela faisait du bien de dire « Faites l’amour et pas la guerre ». Qu’on est loin de tout ça. Les nationalistes, les suprématistes ont le feu vert. Ils peuvent maintenant satisfaire leurs instincts les plus bas, les plus abjects. Démocratie, on t’a jetée en pâture dans la fosse aux lions. Tu n’es pas Daniel. Comment pourras-tu t’en sortir ?
Adieu Démocratie. Je t’aimais bien, tu sais. Chaque jour le rang des autocrates se renforce. Le dernier en date nous vient du Brésil : Jaïr Bolsonaro, nouvellement élu président de la république (pour combien de temps encore?) de son pays. Surnommé le « Trump tropical » et soutenu par l’électorat évangélique, ce militaire de réserve tient des propos ouvertement racistes, homophobes et misogynes. Ses déclarations polémiques en font avec Donald Trump et une joyeuse cohorte de dirigeants plus malsains les uns que les autres, un candidat sérieux pour le titre de l’homme le plus exécrable de l’année. En 2016, faisant référence à la dictature militaire qui gouverna le pays de 1964 à 1985, il déclara sans aucune gêne avec du front tout le tour de la tête: « L’erreur de la dictature a été de torturer sans tuer ». Qui dit mieux au musée de la fachosphère ? Démocratie brésilienne, navré de te le dire : je ne donne pas cher de ta peau. Adieu Démocratie, je t’aimais bien. Retour à la dictature que je hais, tu sais.
À regret je constate que la liste des démagogues en puissance s’allonge d’élections en élections, d’où mon appréhension dès leurs tenues. Ainsi je redoute les élections de mi-mandat aux États-Unis dont on attend aujourd’hui, mardi 6 novembre, les résultats. Si les démocrates l’emportent, chère Démocratie, tes chances de survie sont encore bonnes. L’espoir fait vivre. Si toutefois les républicains conservent leur majorité au Sénat nous assisterons alors à ta déconfiture. Assisterons-nous même à l’effondrement de toutes les démocraties ? Une de perdue, dix qui vont suivre. Qui sait ?
Adieu démocratie, tu vas mourir. C’est dur de te voir mourir si jeune, si tôt, si attrayante, si convaincante. Pour te ranimer, je suis prêt à prendre des cours de premiers soins. Je suis prêt à pratiquer s’il le faut sur toi, la respiration artificielle. Oui le bouche à bouche ou même mieux, le bouche à oreille avec l’espoir de convaincre les indécis de l’importance de ta survie. Je pourrais en dernier ressort m’en remettre à Dieu, comme bien du monde me le suggère. Mais, si je me fie à ce que m’en dit la Bible je crois comprendre que l’Être suprême serait plutôt du genre autoritaire lui aussi. Magnanime certes mais dominateur quand même. D’où ma réticence à faire appel à ses services. D’autant plus que Jaïr Bolsonaro a cru bon de préciser « Dieu au-dessus de tous…l’État est chrétien et que celui qui n’est pas d’accord s’en aille ».
Démocratie, avant de te dire adieu, peux-tu rester encore un peu ?
La possibilité de l’approche de ton trépas ne me donne plus l’envie de rire, ni l’envie de danser et encore moins l’envie de m’amuser comme un fou. Démocratie, tu sais, je t’aime bien. De nos jours plus que jamais.