Du 11 janvier au 2 mars, une exposition réalisée par Carlos Colín, un jeune artiste d’origine mexicaine, aura lieu à Vancouver, au grunt gallery. Elle est intitulée : Strident aesthetic. Towards a new liberation. De la broderie au dessin, en passant par la photographie et la sculpture, cette créativité foisonnante trace les contours d’un artiste chaleureux, complexe, moderne, éclectique, original et prometteur.
De ses doigts habiles, il crée, sans cesse : des masques, des pièces uniques, étranges, exotiques et modernes, des mélanges, des combinaisons. Carlos Colín donne ou redonne vie à du vieux bois, des balles de tennis, des tissus indigènes d’Amérique latine, des plumes, etc. Il se sert de tout. Tel un thaumaturge, il est capable de tout transformer pour faire naître des oeuvres d’art.
D’où tire-t-il son inspiration ? Quel est le sens de son œuvre ? Les créations de cet artiste, né en 1980 à Guadalajara, au Mexique, laissent transparaître une dimension obscure qui fascine. Quand on lui pose la question, il répond : « La meilleure manière de donner un sens à une oeuvre artistique, c’est de créer un dialogue… Le meilleur moyen de comprendre une œuvre d’art, c’est d’écouter ceux qui la contemplent ».
Quand tu contemples une oeuvre d’art, elle aussi te contemple
C’est, en effet, dans un dialogue avec les étudiants de la Thompson-Rivers University qu’est apparue, le 14 septembre dernier, une étincelle qui éclaire, en partie, la production artistique de Carlos Colín. Dans un autoportrait photographique, à l’exception de son oeil gauche, tout son visage est recouvert, comme une momie, d’une ceinture originaire des peuples indigènes du Guatemala. Le jeune étudiant en cycle doctoral à l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) explique : « Quand tu contemples une oeuvre d’art, elle aussi te contemple ». C’est un dialogue spirituel, une rencontre interactive entre l’œuvre et celui ou celle qui l’apprécie.
Il précise : « La ceinture vient des peuples autochtones du Guatemala, pourtant, je ne suis pas Guatémaltèque. Cependant, je crois fermement au concept de l’unité latino-américaine autochtone. Je suis un artiste mexicain, latino-américain et canadien. Je veux créer ce lien [entre les Amériques], car pour moi, il n’y a pas de différences ». Voilà le fil d’Ariane. Toutes les œuvres de ce diplômé de l’École nationale des Beaux-Arts de Mexico reflètent les couleurs de l’Amérique autochtone, des confins de l’Alaska jusqu’à la pointe sud de l’Amérique latine.
Les bois, les tissus, les textures, les textes, les images, les mélanges et tous les matériaux de base de ses créations sont issus du terreau de la lointaine Amérique de ses ancêtres : celle des Aztèques, des Mayas, des Incas et d’autres peuples glorieux amérindiens. Toute son œuvre unifie et appelle de ses vœux la fusion des Amériques dans sa diversité. C’est un cri nostalgique de la grandeur culturelle latino-américaine qui a été annihilée, pense-t-il, par la colonisation espagnole, laquelle a importé l’art baroque sur ces terres.
La géologie culturelle de l’Amérique autochtone, du Nord au Sud , est la même
Les différences culturelles de l’Amérique autochtone se trouvent en surface, au niveau géographique. En revanche, la géologie culturelle est identique, du Nord au Sud. Il faut non seulement la percevoir mais, en outre, aller en profondeur pour exhumer cette richesse culturelle enfouie afin de la mettre en lumière. C’est le rôle de l’artiste. Pour y arriver, il faut qu’il vive en symbiose avec son milieu social.
« Je ne dois pas être détaché de la société, dit-il. En tant qu’artiste, je dois absorber la culture de la société. C’est la société qui crée la culture, pas les artistes, ni les cinéastes, ni encore les philosophes ». C’est pourquoi ce doctorant n’hésite pas à travailler comme plongeur, maçon, plombier, traducteur. De même, il aime travailler à la maison, en regardant les nouvelles, notamment celles provenant de sa terre natale.
En septembre 2014, alors qu’il travaillait devant la télévision, il a suivi de près la tragique disparition des 43 étudiants de l’école normale d’Ayotzinapa, après des affrontements avec les forces de l’ordre dans le sud du Mexique. « J’ai pleuré », avoue-t-il. Et à cet instant précis, il crée une œuvre magnifique représentant deux personnages en larmes sur une toile beige, avec comme fond, drôle de coïncidence, des contours baroques, car les larmes en question ont été grossies et coloriées. Par la suite, il écrira un texte intitulé, Nos siguen faltando, ils nous manquent toujours.
Carlos Colin tient à éduquer son public, notamment ceux qui assisteront à l’exposition. Ses œuvres artistiques ne sont pas muettes, loin de là. Elles sont très loquaces. De ce fait, il faudra non seulement les contempler, mais aussi et surtout les écouter ; car elles ont toutes un message à transmettre. « J’ai envie de crier, de faire du bruit. Il faut que je parle », insiste ce chantre de la culture. À défaut de le faire au moyen de ses lèvres, il le fait par le truchement de son œuvre. On le comprend. Souvenons-nous en effet de ce que disait le romancier français Jean Gwenaël Dutourd : « Le silence pour un artiste, c’est la mort ».
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