Cela fait bientôt plus de trois ans que la Grèce fait les gros titres des journaux européens. Plombé par une dette insoutenable de plus de 100% du PIB depuis 1993, le pays fait également face à trois grands fléaux. La fraude fiscale se chiffre entre 10 et 15 milliards d’euros en moins pour l’Etat chaque année. La corruption s’élève à plus de 88 millions d’euros de pots-de-vin versés en 1999 selon Transparency International. Et l’économie souterraine représente entre 20 et 30% du PIB. Trahie par ses politiques qui ont préféré maquiller leurs comptes plutôt que de prendre des mesures impopulaires, le pays est aujourd’hui en situation de quasi-faillite.
Sur place, cela se traduit notamment par des manifestations qui virent parfois à l’émeute. A l’origine de la colère du peuple grec : une montée en flèche de la pauvreté (+50% en un an, selon le gouvernement grec), des millions de personnes dont les revenus ont baissé de plus d’un tiers, des salaires qui ne sont pas versés, et les banques qui cessent de prêter. L’économie est paralysée, la société au bord de l’effondrement. Vu de Vancouver, les Grecs, anciens immigrants ou nouveaux arrivants nous parlent de leur pays.
La Source : Que vous inspire votre pays aujourd’hui ?
Alexander Panos, 44 ans, jardinier à Burnaby depuis 2002
Je ne comprends absolument pas comment nous avons fait pour en arriver là, même si j’ai aussi, de mon côté, travaillé au noir plus d’une fois quand je vivais à Keratea [Sud d’Athènes Ndlr], il faut croire que les banques sont devenues folles, elles ont prêté de l’argent n’importe comment et le gouvernement a été incapable.
Georges Poulos, 65 ans, ancien restaurateur, a émigré en 1978
Je suis triste de voir que mon pays, qui a inventé la démocratie, a manqué à ce point de cette dernière. Avant, j’avais la fierté de dire que j’étais d’origine grecque, maintenant, c’est l’inverse. Quand on en parle avec d’autres personnes, elles ont toutes l’image d’un Grec magouilleur, paresseux, violent et malhonnête.
Sonia Alexandrakis, 25 ans, infirmière à North Vancouver, arrivée en septembre 2011
C’est une catastrophe. Il n’y a pas de mots pour décrire le pays actuellement. J’étais présente à Athènes lors des émeutes en février 2011. Il n’y a plus rien à faire là-bas. Mes parents m’ont dit : « On a trop tiré sur la corde, la Grèce c’est fini. Il faudra revenir dans trente ans pour espérer pouvoir faire quelque chose dans ce pays ». Je suis très triste pour mes amis et ma famille, mes parents ne toucheront sans doute qu’une retraite de misère et ma mère, institutrice, n’a pas été payée depuis Janvier.
Bastian Panahitoulos, 28 ans, petit ami de Sonia, arrivé en même temps qu’elle, sans emploi
En fait j’aime toujours mon pays, mais le vrai souci ce n’est pas vraiment la Grèce. Mon père m’a expliqué comment les Allemands ont emporté toutes les réserves d’or du pays en 1941, des centaines de milliards de drachmes [7 milliards de dollars à l’époque Ndlr] et aujourd’hui ces mêmes Allemands viennent nous donner des leçons de morale. Cela m’énerve au plus haut point !
La Source : Comment voyez-vous l’avenir de votre pays maintenant ?
Alexander Panos
Je n’en sais rien, simplement je sais que mes neveux sont très engagés dans la défense de la Grèce. Quand on lit leurs commentaires sur Facebook, on a l’impression qu’ils mènent une guerre.
Georges Poulos
Je retourne en Grèce cet été, je vous dirais cela à ce moment-là.
Sonia Alexandrakis
Pour le pays, je n’en sais rien. C’est l’incertitude totale. Moi en tout cas, je n’avais plus d’avenir là-bas. Je suis très inquiète pour ma famille et mon village. Quand je suis partie, les églises étaient bondées comme jamais.
Bastian Panahitoulos
La Grèce va s’en sortir, vous verrez. Nous avons affronté les Perses, les Turcs et les Allemands, mais on est toujours là. Le peuple grec a du génie, vous verrez.