Le musée du Centre culturel italien de Vancouver (II Museo Art Gallery) reçoit les oeuvres d’artistes contemporaines dans le cadre de l’exposition Mariées : portrait d’un mariage (Brides : Portrait of a Marriage), qui se déroule jusqu’au 30 septembre.
Cette exposition est le troisième volet de la tétralogie Gendered Voices Series. Précédée par Princesses and Monsters : Painting and Sculpture de Anyuta Gusakova et Ancient Women in Textile : The Jacquard Weaving of Ruth Scheuing, elle sera suivie le 20 octobre de Malleable : Changing Notions of Women, Gender and Relationships.
Quatre artistes – Lilian Broca, Linda Coe, Grace Gordon Collins et Barbara Heller – ont collaboré pour faire de cette exposition une offre originale et variée au grand bonheur des visiteurs. Dessins, photographies et textiles questionnent l’état psychologique de la mariée et l’impact du mariage sur sa trajectoire de vie.
Contes de fées, tradition et vie de femmes
Si les contes de fées entretiennent depuis longtemps une perception du mariage très romantique, la mythologie gréco-romaine, la vie des saints (hagiographie) et les annales historiques ont un regard plus nuancé. D’un côté des histoires évoquant la rencontre de deux ‘âmes soeurs’ qui se complètent parfaitement et pour toujours, de l’autre des histoires de vies de couple insatisfaites et pleines de défis. C’est en explorant ces dernières plus critiques – et plus réalistes – que les artistes se sont exprimées.
L’exposition a ouvert ses portes au mois de juin afin de rendre hommage à la déesse du mariage dans la mythologie romaine, Junon. Le mythe de Junon qui veut que son propre mariage ne soit pas harmonieux contraste de loin avec les contes de fées. En outre, le fait qu’un mois soit dédié à la déesse du mariage rappelle l’importance de la tradition au sein de la société romaine.
Cette place centrale du mariage dans la vie de la famille et de la communauté est pour la femme qui revêt le vêtement de la mariée un véritable rite de passage. Il y a un avant et un après. On la prépare alors qu’elle est encore enfant à ce moment crucial qui changera toute sa vie.
« Le mariage a longtemps façonné la trajectoire de vie des femmes dans l’histoire, en particulier dans la société italienne. Avant 1960, la vie d’une femme était prédéterminée dès sa naissance, jusqu’au choix de son époux » déclare Angela Clarke, conservatrice du Musée.
Traditionnellement, la jeune femme quittait la maison de ses parents pour la première fois afin de rejoindre celle d’un époux qu’elle connaissait à peine. Les mariages étaient souvent arrangés et la nouvelle épouse faisait alors face aux nombreux défis de la vie de couple suivis rapidement de ceux qu’induit le rôle d’une mère.
Coût psychologique et financier
Lilian Broca et Linda Coe mettent l’accent sur les complexes psychologiques qui peuvent envahir la mariée lors de la cérémonie. Grace Gordon Collins et Barbara Heller, elles, s’attardent plutôt sur les dépenses extravagantes que les familles engagent pour la célébration du mariage.
Lilian Broca, inspirée par le mariage de sa propre mère, dessine les angoisses de la mariée en noir et blanc. Même si le mariage arrangé finissait par bénéficier d’une fin heureuse, elle rappelle que le jour de la cérémonie était source de terribles peurs et questionnements.
Linda Coe expose une série d’assemblages de tissus qu’elle a appelé Dirty Laundry. Il s’agit de huit pièces reprenant d’un côté l’aspect romantique et joyeux d’une union et de l’autre les corvées conséquentes à un mariage arrangé. Elle y reprend également des extraits de ‘Manuels de mariage’ datant de la Renaissance italienne dans lesquelles le comportement de la mariée était dicté (souvent à son désavantage).
Aux 15e et 16e siècles en Italie, face aux dépenses exagérées pour un mariage par les familles dont certaines n’hésitaient pas à s’endetter, le gouvernement a mis en place des lois pour les limiter. Parmi les principales dépenses, la robe de mariée a inspirée Grace Gordon Collins pour ses créations. Elle expose quatre photogrammes de robes de mariée de quatre générations de sa famille : l’arrière-grand-mère, la grand-mère, la robe de l’artiste et celle de sa fille.
La tapisserie présentée par Barbara Heller, The Bride, fait partie de la série Cover-ups créée en 2005. Dans cette série, elle interroge la notion de l’identité d’un individu diluée dernière un masque ou un uniforme. La mariée, avec sa robe, prend possession à ce moment d’une autre identité, celle de la Mariée.
L’exposition démontre par des histoires de femmes comment le mariage effrite la conception romantique du couple longtemps véhiculée par les contes de fées. La réflexion des artistes, en écho à leur vie personnelle, vient ainsi poser un regard moins féérique et plus réaliste sur la place de la femme dans la tradition du mariage.
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