A peine installée dans son poste de chef de l’Opposition officielle, la députée fédérale Nycole Turmel s’est vue plonger dans une controverse qui est venue sortir la classe politique de sa torpeur estivale. C’est comme si quelqu’un avait attendu le moment propice pour couler la nouvelle aux médias. En fait, il n’y a aucun doute que c’est le cas.
Ce n’est évidemment pas le scénario qu’avait envisagé Jack Layton lorsqu’il a fait connaître sa recommandation de nommer madame Turmel comme chef intérimaire. La tempête provoquée n’augure rien de bon pour sa formation. Surtout pour les sièges détenus dans l’Ouest du pays. Les lignes ouvertes n’ont pas dérougi des commentaires enflammés et mêmes carrément enragés venant de personnes outrées de ses affiliations récentes avec les souverainistes. Il faut dire que pour bon nombre de personnes au Canada anglais, ce fait vous disqualifie à tout jamais d’occuper un poste à responsabilité sur la scène fédérale.
Bien sûr que le NPD aurait très bien pu se passer de cette controverse. Il aurait aussi très bien pu l’éviter avec quelques vérifications élémentaires. En fait, le plus étonnant, c’est qu’on nous dise que le NPD connaissait l’allégeance de madame Turmel envers le Bloc. Qui plus est, il était bien connu dans les milieux politiques que lorsqu’elle était présidente du Syndicat canadien de la fonction publique, elle avait appuyé des candidats du Bloc québécois.
D’ailleurs, l’ancien député fédéral qu’elle a défait lors des dernières élections en avait fait état durant la récente campagne électorale. Qu’à cela ne tienne, le chef Jack Layton en a fait son choix pour prendre la barre du parti le temps qu’il prenne soin de sa santé.
Mais, est-ce que les révélations au sujet de madame Turmel justifient les réactions vitrioliques de ces derniers jours ? Le chef du NPD de la Colombie-Britannique, Adrian Dix, avait raison lorsqu’il a dit récemment qu’un bon nombre d’électeurs québécois qui votaient pour le Bloc québécois n’étaient pas nécessairement indépendantistes. Je sais que pour beaucoup, cela semble être une énorme contradiction, mais quiconque a vécu au Québec reconnaîtra une situation qui n’est pas hors du commun.
Le fait qu’elle ait été membre du Bloc ne devrait évidemment pas la disqualifier pour être membre d’une formation fédéraliste. Les autres partis politiques fédéraux présents sur la scène québécoise sont aussi confrontés à la même réalité. D’ailleurs, la politique au Québec explique un peu cette situation qui peu sembler incongrue.
Contrairement à la plupart des autres provinces canadiennes, les partis politiques fédéraux n’ont pas de section québécoise qui œuvre sur la scène provinciale. C’est le cas de tous les partis fédéraux, outre le Parti vert. Donc, le Nouveau Parti Démocratique a très certainement reçu au fil des ans le vote d’électeurs dont l’allégeance provinciale était pour une formation indépendantiste. Le contraire m’étonnerait grandement.
Mais la situation de madame Turmel est quand même différente puisqu’elle est devenue chef intérimaire d’une formation fédéraliste qui est aussi la Loyale Opposition de sa Majesté. Il faut quand même pouvoir être intellectuellement honnête avec soi même. On ne peut être fédéraliste tout en ayant des velléités indépendantistes. On peut donc facilement comprendre pourquoi madame Turmel y est allée d’une profession de foi fédéraliste suite à la publication de ses allégeances qu’elle qualifie de passées.
Pour le Bloc québécois, qui a subi une raclée électorale aux mains du NPD, cette nouvelle doit faire un peu son affaire. Toutefois, c’est le premier ministre Harper qui ne doit pas cesser de se pincer pour être certain qu’il ne rêve pas. Voici un premier ministre qui ne fait face qu’à des chefs intérimaires sur les banquettes de l’opposition. Et voilà que la controverse frappe l’opposition officielle. La rentrée parlementaire à Ottawa sera intéressante, c’est le moins que l’on puisse dire. Entre-temps, Stephen Harper continue de vivre un été de rêve.