Les musiciens de l’orchestre Victoria Baroque. | Photo par Jon-Mark Wiltshire

Il est de ces plaisirs simples de la vie qui sont parfois tenus pour acquis. Les concerts publics en font partie. La démocratisation de cet agrément est allouée à l’orchestre français Le Concert Spirituel qui, en 1725, lança une série de performances hors des cours de Versailles pour le bénéfice du plus grand nombre.

Le 28 septembre prochain, la société de production Early Music Vancouver choisit de célébrer ses cinquante ans avec un concert inaugural à la gloire de l’orchestre qui donna naissance à la musique orchestrale pour tous.

Hier et aujourd’hui
Le Concert Spirituel a révolutionné ce que l’on connaît aujourd’hui des performances musicales publiques et des sociétés propres à cet art. Selon l’historien musical Constant Pierre, qui en a méticuleusement documenté les 65 ans d’existence, cela a permis de mettre les plus grands artistes français et européens sur le devant de la scène, ainsi que de refaire vibrer les notes du grand répertoire français jusqu’alors joué uniquement à la cour. Dans le cadre de ces cycles de concerts, plusieurs formes et styles et musicaux étaient joués, principalement français, italiens et allemands, devenant une plateforme de promotion européenne, sorte de iTunes Store anti régalien.

La très respectée Jeanne Lamon, membre de l’Ordre du Canada, et invitée pour l’occasion par Early Music Vancouver au titre de directrice musicale, décrit ce moment de l’histoire comme « extrêmement important » . Matthew White, directeur artistique de la société de production, abonde en ce sens et ajoute que « ces séries de concert ont déclenché l’accès à la musique par la sphère publique et la série proposée par Early Music Vancouver en est, en quelque sorte, le descendant des temps modernes». Si l’intention est louable, on pourrait noter la différence que les Vancouvérois n’auront pas la chance d’assister à cette version 2019 dans une salle similaire à celle originelle des Cent Suisses au Palais des Tuileries.

La représentation se tiendra cependant dans la sublime cathédrale Christ Church à la somptueuse voûte boisée permettant une acoustique souveraine où ouvertures à la française et concerti grossi italiens se conjugueront pour résonner royalement.

Une sélection parmi 65 ans de programmation
« Le programme (NDLR : de ce concert) a été choisi pour donner un aperçu de ce que le public de l’époque a pu entendre au cours des 65 ans de production explique Lamon. Compte tenu de cette longévité, il y avait donc beaucoup de matière et l’édition 2019 comprend quelques-unes des suites favorites de la directrice artistique, comme nous le confie White qui lui a donné carte blanche. Mais si les conventions élitistes de Versailles ont été néantisées, « l’esprit originel ne s’est pas départi de cette ambition affichée de démocratiser le vaste répertoire européen. Et c’est donc sous ce nouvel éclairage que le public pourra se fendre d’une sélection de suites qui n’ont presque jamais été entendues » confie White dans cet élan d’enthousiasme propre aux jeunes musiciens. « L’une des choses que j’aime le plus dans mon travail est cette occasion qui m’est donnée de contribuer à faire connaître des joyaux inconnus ou si peu. Il y a encore tellement d’œuvres du passé que le public ne connaît pas et qui méritent d’être partagées. »

Également de l’ordre du nouveau, ce sera la première collaboration entre l’ensemble Victoria
Baroque et la violoniste de renom international, laquelle se prête avec un bonheur manifeste à cette direction artistique.

« J’aime beaucoup la variété offerte par ce programme. L’exaltation italienne, l’élégance française, l’humour du compositeur Telemann et le génie du jeune Haydn » s’enthousiasme-t-elle. Elle étaye son propos : « L’ouverture à la française me fait toujours réagir, et me met au garde-à-vous comme si un membre royal allait arriver, une vraie ambiance d’apparat. En revanche, les concertos grossos italiens sont toujours passionnels et très expressifs, portant leur cœur sur les lèvres. J’aime beaucoup les deux, juste d’une manière très différente ». Fait étonnant, les répétitions n’ont pris que trois jours. Lamon l’explique par le fait que les membres de l’ensemble Victoria Baroque réunit « de grands professionnels spécialistes de ce répertoire » et de fait, il n’en faut pas beaucoup pour que cela soit réglé comme du papier à musique pour ces rodés à l’exercice.

Une raison supplémentaire de ne pas manquer Le Concert Spirituel : Baroque Orchestra Suites, qui couronne cette programmation spéciale pour cet anniversaire, car comme le dit White, « prenez le risque de découvrir un style que vous ne connaissez peut-être pas ! »

A tester in vivo le samedi 28 septembre à la cathédrale Christ Church de Vancouver. Billetterie sur le site www.earlymusic.bc.ca.