Je pense que pour tous les voyageurs de plus ou moins longue durée, la recherche de sens et d’identité nous suit partout. En arrivant à Vancouver le 22 octobre, je n’aurais jamais pensé faire partie d’un tel bouillon de cultures. Et pourtant la mixité, je l’ai toujours vécue sur mes terres alsaciennes.
J’ai grandi à Mulhouse, un terreau de l’immigration. Des cultures différentes s’y côtoient, échangent et communiquent. Une dynamique qui m’est familière mais qui pourtant a été chamboulée par mon arrivée au Canada.
Me retrouvant cette fois dans la peau d’une immigrante, je mesure davantage les changements et les complications d’une nouvelle vie ailleurs.
Nouvelles habitudes, nouvelle langue, nouveaux repères. Avec néanmoins ce constat : j’ai la chance d’être Française et d’avoir connu des conditions de vie très acceptables. J’en retrouve d’ailleurs la substance ici, même si tout est à refaire en ce qui concerne les réseaux professionnel et amical.
Cette perte de repères n’est pas à prendre à la légère et je suis d’autant plus admirative des immigrants venus de pays lointains, tant géographiquement que culturellement, et où les conditions de vie n’ont rien d’un eldorado. Le voyage, qu’il soit consenti ou forcé, implique un déracinement. Et l’accueil dans un nouveau pays se doit d’être à la hauteur.
Une bienveillance teintée de questions
Dans le « bain » canadien depuis le mois d’octobre 2019, j’ai pu ressentir cet accueil des différents immigrants. La tâche n’est pas simple mais le Canada y met du sien. Chacun peut ainsi vivre libre et sans critique sur son mode de vie, son apparence ou encore ses croyances. Je suis encore surprise par tant de bienveillance. Venant d’un pays où la critique et le racisme sont monnaie courante, j’apprécie l’apaisement social apparent.
J’ai pourtant été assaillie de questionnements en posant le pied à Montréal d’abord. Interrogations liées à la présence de ce que vous appelez les « Premières Nations » ou encore les « autochtones ». J’ai noté une différence de traitement de l’histoire d’une côte à l’autre du Canada. En Colombie-Britannique, la culture indigène me semble plus présente et assumée.
Cette problématique des origines me semble être la même partout dans le monde en définitive. Un peuple après l’autre se succédant, souvent dans la violence des mouvements colonisateurs, et cherchant à légitimer sa présence.
Au Canada, la situation semble pacifique mais le tabou n’est pas loin. Vancouver est à l’image de cette ambiguïté. Elle rassemble de nombreuses nationalités, fait vivre les communautés les unes à côté des autres, mais l’on s’interroge tout de même sur les relations humaines et leur profondeur. Une question difficile à trancher.
La sérénité apparente fait toutefois du bien. Alors que dans mon pays, la crise sociale et identitaire prend de plus en plus d’ampleur, je voudrais prendre un peu de cet exemple canadien. La question du voile et plus largement de la religion ne semble pas être un sujet tendu ici en
Colombie-Britannique.
J’aimerais prendre de cette sérénité pour faire réfléchir les gens. Les pousser à voyager eux aussi pour comprendre l’Autre, et se mettre un peu plus à sa place.
Comprendre qu’il n’est pas facile de quitter les siens, de s’adapter à un nouveau mode de vie. Comprendre aussi que l’on peut vivre tous ensemble, en étant totalement différents.
Si j’ai quitté mon « chez-moi », je sais maintenant que j’en emporte des petits bouts avec moi. Ces petits bouts d’identité, que l’on peut montrer, décrire et partager avec les autres.
Je vais profiter de cette expérience à la « canadienne » pour partager davantage qui je suis et d’où je viens. S’ouvrir l’esprit, à base d’échange et de discussion. C’est ce qui me semble être une clé importante de ce « vivre ensemble », menacé un peu partout sur la planète.
Retrouvons l’optimisme du partage simple et sans attente pécuniaire. Alors voilà, je vous ouvre un peu de mon « heimat » comme on dit chez moi.