Attention, ce qui suit est un exercice de style, plus ou moins réussi, destiné à satisfaire un besoin extrême, pour ne pas dire maladif, que j’ai d’utiliser tant bien que mal les mots du vocabulaire finissant par « tion », en évitant, autant que possible, les répétitions. Un défi que je tenais à relever, sans condition, depuis le début de ma courte carrière de pamphlétaire.
Pour arriver à mes fins je devais trouver un sujet d’actualité et non de fiction qui allait me servir de cobaye. Le sort, bien malgré moi, a voulu que je tombe sur le mouvement de contestation qui met en opposition les chefs héréditaires Wet’suwet’en à la compagnie Coastal GasLink qui détient le permis de construire un gazoduc entre Dawson Creek et Kitimat.
Au départ je n’étais pas très chaud à l’idée, j’étais même plutôt réticent face à cette opération. Le sujet, toutes considérations prises, m’apparaissait trop sérieux, trop épineux, trop délicat, trop complexe, trop sensible pour l’aborder en dilettante. La crise, les frictions par lesquelles le Canada passe actuellement, méritent plus de respect.
Prenant, malgré tout, mon courage à deux mains, j’ai décidé de fonçer, la tête la première, droit dans le tas, et d’aborder la question de plein fouet. J’essaie de me situer par rapport à ce conflit qui, faisant abstraction de certaines circonstances, nous touche tous d’une manière ou d’une autre.
Je ne me fais pas d’illusions, ma contribution au débat ne portera sans doute aucun fruit. J’ai donc retroussé mes manches et je me suis mis à l’affût d’informations susceptibles de porter un éclairage sur la situation afin de me forger une opinion. Peine perdue selon mon évaluation, car aujourd’hui je ne suis pas plus avancé que je ne l’étais. Énorme déception.
(Et maintenant, pour quelque chose de légèrement différent, cherchez les « tions » qui ont disparu de la circulation).
Ainsi, je ne suis guère avancé. J’ai beau me creuser la tête, écouter les experts, lire les commentaires de toute provenance, je n’arrive pas à me faire une idée claire et précise de l’état des choses. Je me bute contre un mur (une barricade, un barrage, une barrière, que sais-je) d’incompréhension. Personne jusqu’ici n’a réussi à me convaincre du bien-fondé de leur position d’un côté comme de l’autre. Tantôt je penche en faveur de ceux qui s’opposent au projet en prenant en considération leurs revendications qui me semblent à priori légitimes : la reconnaissance du pouvoir des chefs héréditaires sur leur territoire ainsi que les sérieuses préoccupations environnementales qui l’accompagnent.
D’un autre côté, je l’admets, les bienfaits des répercussions économiques, que les protagonistes du projet de gazoduc nous font miroiter, méritent qu’on y prête attention. Difficile de résister aux charmes non discrets du dollar quand celui-ci vous fait de l’œil. La création d’emplois dont les Premières Nations pourraient aussi bénéficier ne peut être ignorée ou rejetée d’un revers de la main.
Alors oui, j’hésite. Je n’arrive pas à trancher. Les autochtones eux-mêmes sont divisés en factions sur la question épineuse du gazoduc. Les dissensions que l’on constate parmi leurs chefs viennent brouiller les cartes. Alors, à qui donner raison ? La loi canadienne sur les Indiens, un vestige de l’ère coloniale, est à nouveau pointée du doigt comme étant, en grande partie, responsable du malaise et des affrontements qui périodiquement refont surface. Qui veut d’un autre Oka ? Qui parle pour qui ? Qui représente le mieux les Premières Nations ? Les chefs héréditaires ou les chefs élus du conseil tribal ? Que dire de la réconciliation, le bébé chéri mort-né de Justin Trudeau ? Et peut-être plus important encore : Qui sommes-nous pour exiger que les Premières Nations parlent d’une seule voix, pour satisfaire nos besoins, alors que nous, immigrants, fils et filles d’immigrés de courte ou de longue date, nous en sommes absolument incapables ? Autant de questions que je continue de me poser et qui restent sans réponse. Nos divergences sont multiples et nous n’avons de leçons à donner à personne.
À ce stade-ci ma compréhension du conflit s’avère simpliste. Je sais, entre autres, que ce n’est pas en utilisant la force que l’on résoudra le problème. La confrontation doit rester verbale. La négociation, la consultation sont des outils préférables à la répression. Le recours à la violence doit être banni. Je retiens aussi, d’après les apparences, que les chefs héréditaires des Premières Nations font preuve d’intransigeance, le parti de l’opposition officielle, lui, d’intolérance et Trudeau, du haut de son bastion, d’incompétence; ce qui n’arrange rien.
Cela devrait prendre du temps avant d’aboutir à une solution pacifique et atteindre enfin un accommodement raisonnable. Trouvons cet arrangement sans trop perdre de temps. Tout le monde ainsi sera content. Mais pour en arriver là, par superstition, je croise les doigts.