Alors que nous approchons à petits pas du dénouement de ce déjà trop long confinement causé par ce virus dont je préfère taire le nom afin d’éviter de lui accorder une notoriété dont je ne voudrais pas qu’il jouisse, je m’octroie le droit de poser cette légitime question : qu’est-ce que sera demain ?
La poussière semble retomber lentement et délicatement sur nos vies quelque peu malmenées par cette crise avec laquelle, sans surprise, nous sommes encore aux prises. Selon les dernières informations qui nous parviennent quotidiennement il semblerait qu’un peu de lumière au bout du tunnel serait perceptible. Bienveillant, notre premier ministre nous a toutefois prévenus : nous ne sommes pas encore sortis du bois (il aurait pu dire de l’auberge). Ne sachant pas si le loup y est ou pas, je le crois.
Nous passons par une période imprévisible, inhabituelle, troublante, exigeante, traumatisante qui nécessite un effort constant de la part de chacun de nous pour ne pas sombrer dans la neurasthénie. Heureusement, les chiffres, selon la docteure Bonnie Henry, notre médecin tombé du ciel de la Colombie-Britannique, pointent vers la possibilité d’une prochaine résolution heureuse de la crise. Un plan pour un déconfinement progressif serait à l’étude, nous affirment les autorités responsables de notre bien-être. Sous peu, notre liberté de mouvement, étouffée, bafouée ces derniers mois, devrait donc reprendre du poil de la bête. Avec le temps tout s’en va, chantait Léo Ferré. Avec l’espoir, nos soucis, nos troubles, notre ennui, notre solitude, même à deux, tout s’oublie disait je ne sais plus qui.
Nous avons dans l’ensemble été obéissants, d’où cette mise en liberté conditionnelle promise. Ne gâchons rien. Continuons sur notre lancée. Soumettons-nous (une fois n’est pas coutume chers insoumis) à la loi de ceux qui comprennent mieux que nous la perfidie des virus.
Allons-y, droit devant, donc. Mais aller où ? Qu’est-ce qui nous attend au tournant de notre déconfinement ? Allons-nous assister à un retour à la normale ? Normalité qui devrait prendre son temps : pas avant un ou deux ans affirment les experts en la matière dont Bill Gates, philanthrope, enfant terrible de la ‘’milliarderie’’ qui s’évertue à donner un visage humain à sa confrérie. Un ou deux ans, mets-en. Je les trouve optimistes.
Oui, que sera demain ? Le début d’un temps nouveau, d’un impossible rêve ? La fin de nos soucis ?
Pour tout vous dire je n’en sais rien. Oui, bien sûr, il faut s’y attendre : augmentation des taxes et des impôts. Pour le reste, je ne peux que spéculer et envisager un nouveau monde différent de celui qui nous a amenés au bord de la crise. Un monde, c’est triste à dire, où plus personne n’osera se donner des bisous, des bises, des baisers, des embrassades, des accolades et autres manifestations d’amour et d’amitié. La poignée de main deviendra un geste archaïque, révolu comme le fut l’empoignade solide et machiste des avant-bras utilisée par les Romains pour se saluer fraternellement. Les rencontres entre amis auront lieu régulièrement ou automatiquement par zoom interposé. Plus de contact physique. Victoire du virtuel. La distanciation sociale servira de bonne excuse aux germophobes et aussi de couverture aux misanthropes endurcis.
L’image romantique que l’on se fait des croisières en bateau va virer de bord suite aux sérieux remous encourus durant la pandémie. Les compagnies aériennes vont avoir du fil à retordre avant de se renflouer. Certaines déjà battent de l’aile et ne pourront survoler longtemps. Les transports en commun, comme les commerces, petits et grands, devront faire preuve d’imagination et de créativité s’ils veulent regagner une clientèle échaudée, craintive.
Tout, toutefois, ne sera pas aussi morose si nous savons tirer les leçons de ce qui nous est arrivé. Cette pandémie a mis en relief plusieurs aspects positifs non négligeables. Les grandes agglomérations ont vu leur taux de pollution diminuer de façon significative. L’air des grands milieux urbains est devenu respirable. Sommes-nous capables de changer nos habitudes comme nous le faisons par obligation actuellement, afin de vivre une vie plus saine ? Ma voiture passe son temps dans mon garage. Elle y est bien et ne s’en plaint pas. Je l’ignore complètement pour jeter un regard tendre à ma bicyclette qui me fait les yeux doux d’appréciation. D’autre part je compte bien me laver les mains au même rythme actuel. Mon avenir sera ainsi pavé de bonnes habitudes et surtout de bonnes intentions.
Avec la pandémie, une certaine innocence nous a quittés. La méfiance a ainsi pris pied. Bien installée chez nous encore aujourd’hui, il sera difficile de la déloger. Demain, quand ce long cauchemar ne sera qu’un lointain souvenir, il tiendra à nous de retrouver confiance. Sachons tirer les marrons du feu.