Jeune artiste québécoise installée à Vancouver depuis août 2017, Marie-Pascale Lafrenière participe à l’exposition Anti-Social du collectif The Young Asian Canadian Twin Artists Collective (Yactac). Parce que la COVID-19 nous force à repenser nos manières d’exister, l’exposition est à retrouver sur la toile.
Inauguré le 30 mai sur Zoom, le site de vidéo-conférence en ligne, Anti-Social est le projet du collectif vancouvérois Yactac. Né d’une volonté de produire malgré la pandémie mondiale, plusieurs artistes ont proposé leurs oeuvres suite à un appel d’offres du collectif. Vingt-six seront sélectionnés. Dont Marie-Pascale Lafrenière. D’ailleurs c’est l’une de ses oeuvres que Yactac a choisie pour illustrer le prospectus de l’exposition : « Elle capture l’humeur, l’ambiance que crée la COVID-19. Il y a un sentiment d’agitation qui correspond à notre exposition », révèle le collectif.
Exposer à l’ère du Covid-19
Pour pouvoir découvrir l’exposition, le collectif met à disposition sur son site internet un lien qui mène à leur galerie virtuelle. Neuf diapositives. Neuf salles. Chacune contenant plusieurs oeuvres disposées dans un cadre qui rappelle une salle d’exposition. Et, comme dans une salle d’exposition, chaque oeuvre est accompagnée de son descriptif, consultable après avoir cliqué sur ladite oeuvre. Cette exposition virtuelle permet de continuer de faire vivre le lien social, parfois abruptement brisé à cause de la COVID-19. D’ailleurs un vernissage a eu lieu à l’initiative du collectif Yactac : sur Zoom et accessible au public. Selon les organisatrices, 50 personnes étaient présentes en plus des artistes.
En visitant virtuellement l’exposition, il ne faut pas attendre longtemps pour découvrir les photographies de l’artiste québécoise Marie-Pascale Lafrenière.
Des clichés de corps féminins, visages cachés sous un épais tissu qui ressemble à une cagoule. « Ça ressemble à une cagoule mais en fait ce sont des masques de soin que je trouve sur des sites comme AliExpress ou Wish », corrige-t-elle de sa voix douce. Ils sont couleur rose pastel ou beige. Et même si au premier abord ces masques ressemblent à des cagoules, l’artiste précise qu’à l’intérieur se trouvent de petits aimants et un masque en tissu permettant de pratiquer un soin de beauté.
Les corps photographiés sont en réalité un corps : le sien. En 2018, suite à un accident qui lui a valu un poignet fracturé, la jeune femme a dû repenser sa manière de produire. C’est à ce moment-là qu’elle décide de se tourner vers la photographie et l’autoportrait. Pour cacher son poignet plâtré, son visage a été dans un premier temps son médium. Puis Marie-Pascale Lafrenière s’est mise à utiliser son propre corps pour afficher son propos.
Vers une réappropriation du corps
L’artiste photographe nourrit un grand intérêt pour la performance, à l’instar de celles qu’elle cite comme source d’inspiration : Chun Hua Catherine Dong (artiste chinoise-québécoise), Jeneen Fei Njootli (artiste autochtone) ou encore Melati Suryodarmo (artiste philippine).
D’une voix sereine, elle confie : « Depuis que j’ai terminé mes études fin 2019, et dès le début du confinement, je me suis mise à beaucoup penser aux gestes que les femmes font dans un but d’embellissement mais qui prennent énormément de temps ». C’est le cataclysme de son art : capturer des moments de productivité improductifs, « ces gestes que la société attend des femmes » pour atteindre un idéal de beauté. Elle qui se qualifie d’artiste féministe, il semble que ce soit carrément une revendication. Revendication à avoir le pouvoir de refuser ces gestes d’embellissement. D’ailleurs la jeune femme avait commencé cette série avant que la COVID-19 ne bouleverse nos quotidiens. Ce qui lui a permis d’apporter une double lecture à son sujet.
Alors est-ce que son art dénonce ? Ou montre la réalité du quotidien d’une femme ? Aucun des deux. « J’essaie d’offrir des alternatives en mêlant mon imaginaire et la science-fiction, avec pour but de tenter de reprendre le contrôle, d’abord de mon corps. Ensuite peut-être proposer aux femmes de reprendre contrôle sur le leur », précise l’artiste.
D’abord le sien. Parce que la jeune femme est consciente de ne pas être une porte-parole des femmes de sa génération. Encore moins de celles qui ne lui ressemblent pas : « Je suis une femme blanche, privilégiée. Je ne peux pas parler au nom, par exemple, des femmes de couleur ou des femmes transgenres. Mais plus tard, je veux toutes les inclure dans mon travail ». Il ne manque plus qu’à Marie-Pascale Lafrenière de trouver comment.
Pour plus d’information ou visualiser l’exposition :