De l’impact sur les couples, à celui sur la santé mentale des populations entières, jusqu’à la réévaluation de nos salutations et les gestes qui les accompagnent, la distanciation sociale prolongée s’avère être une force déstabilisante à tous les niveaux.
Et telle une vague qui se retire avec la baisse de la marée, ses effets à long terme commencent peut-être à se faire sentir cinq mois après le début des mesures de confinement en Colombie-Britannique et au Canada.
La santé mentale et la distanciation sociale
Dans un article publié en mai 2020, la Revue Canadienne de Psychiatrie a noté qu’en plus de la peur et du traumatisme causé par les maladies virales elles-mêmes, « la distance physique et l’isolement social peuvent également conduire à une augmentation du stress et des frictions au sein des ménages. Les personnes qui sont mises en quarantaine peuvent souffrir d’irritabilité, de colère, d’insomnie, d’anxiété et de
dépression ».
De plus, un sondage mené par Statistique Canada en juin auprès des parents au Canada a révélé que 71% des participants « étaient très ou extrêmement inquiets pour leurs enfants en ce qui concerne les occasions de socialiser avec des amis, et plus de la moitié (54 %) étaient très ou extrêmement préoccupés par la solitude ou l’isolement social de leurs enfants ».
C’était le cas pour Carolina Fernandez, mère célibataire de deux enfants âgés de onze et huit ans. Assistante médicale dans un hôpital de Surrey, cette jeune maman de 29 ans pensait surtout à ses enfants le long du confinement : « Lorsque vous avez de jeunes enfants, et qu’ils ne peuvent pas sortir avec leurs amis, ou [que vous ne pouvez pas] les emmener au parc, cela devient très difficile. C’est à ce moment que vous commencez à éprouver plus d’anxiété, à vous sentir triste de ne pouvoir rien faire. En particulier, les enfants l’ont ressenti beaucoup plus et en tant que mère, vous savez quand vos enfants sont tristes, et encore plus quand vous ne pouvez rien faire pour eux », explique-t-elle.
La distanciation sociale : notre réalité sous la loupe
Mais est-ce que la distanciation sociale prolongée, en plus d’apporter des changements, ne servirait-elle pas à mettre en relief ou à révéler davantage la réalité de nos situations ou de nos relations ?
C’est l’expérience de Khady, (nom fictif pour préserver son anonymat) fonctionnaire de 34 ans au gouvernement fédéral. Avant le début du confinement, Khady se sentait très à l’aise menant une vie sans beaucoup d’engagements sociaux. Or, une fois que les mesures de confinement se sont étendues au-delà de deux mois, Khady s’est aperçue de leur vrai impact sur elle.
« Pour moi, c’était difficile de me rendre compte que j’avais un impact puisqu’avant je n’étais généralement pas très sociable, donc je pensais que je n’aurais pas à être touchée par l’isolement. Mais, en fait, je me suis rendu compte moi-même de l’ampleur de mon propre isolement […] » affirme-t-elle.
« Ça m’a fait un petit peu constater effectivement que même avant la COVID j’étais déjà en isolement personnel dans ma propre bulle. Donc cette pandémie c’est comme ça qu’elle m’a affectée, me faisant percevoir que je suis en train de passer cette pandémie toute seule » réfléchit-elle.
Et malgré l’évidence d’une augmentation dans le nombre des demandes de renseignements au sujet des séparations et des divorces au Canada – tel que l’affirme un reportage de CTVNews du 18 juin – le confinement a peut-être eu un impact positif sur les couples dont les relations étaient déjà très solides.
« Au tout début de cette pandémie, alors que nous avions une idée de ce qui pourrait nous attendre concernant les restrictions, j’ai dit en plaisantant à [mon partenaire] : « Si nous traversons cela, nous devrions tout simplement nous enfuir parce que c’est la plus grande épreuve que nous allons passer, à l’exception d’avoir des enfants ». Et je pense que nous avons fait un très bon travail, en particulier compte tenu du fait que nous vivons dans un micro-appartement du centre-ville » raconte Hannah, (nom fictif) jeune consultante irlandaise qui vit avec son partenaire depuis quatre ans au centre-ville de Vancouver.
Sonia (nom fictif), ancienne professeure universitaire à la retraite, aurait aussi vu sa relation avec son mari s’approfondir, même après 47 ans de mariage.
« Je pense que cet isolement a renforcé notre relation de couple, [nous a aidés] à se sentir plus utiles l’un à l’autre, à s’entraider davantage, à profiter davantage d’être seuls pour manger, pour prendre un verre de vin, pour partager l’actualité, tout ce qui se passe » explique-t-elle.
Réévaluer les gestes
Et quoi de ces gestes – les poignées de main, les embrassades entre copains – utilisés au quotidien pour montrer notre relation avec les autres ? Les opinions varient.
Tandis que Hannah suivra les lignes directrices et la science (« si les scientifiques disaient que « les serrements de main ne sont plus », je serais probablement d’accord avec cela »), Carolina Fernandez, elle, a commencé à utiliser le salut du coude quand elle rencontre quelqu’un de nouveau ou quelqu’un qu’elle n’a pas vu depuis longtemps.
Pour Khady, ces gestes seraient réservés à ses amies les plus proches, et puisqu’elles n’habitent pas à Vancouver, ces restrictions n’ont pas eu d’impact. Quant à Sonia, elle réfléchit à ce qu’on pourrait perdre si ces gestes ne reviennent pas.
« Je pensais que c’était culturel, mais je crois que tous les êtres humains aiment s’étreindre et s’embrasser, en particulier s’embrasser est très réconfortant, et je serais vraiment désolée si cela devait être perdu », conclut-elle.
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