Aucun évènement récent n’a eu d’impact aussi important sur nos vies que la pandémie mondiale. Non contente d’avoir affecté la santé, l’économie, le chômage ou encore la culture, ses effets sur nos villes ont déjà commencé à transformer nos rues, nos immeubles et notre façon de percevoir nos rapports avec les gens qui partagent le cadre de nos cités.
Le professeur Patrick Condon, titulaire de la chaire de James Taylor en paysage et environnement habitable, de l’école d’architecture de UBC, revenait en mars dernier sur la façon dont les villes allaient changer après la pandémie. À l’aune des évolutions que nous avons suivies, il nous livre aujourd’hui le fruit de ses réflexions sur la direction que prend le paysage urbain dans un futur proche.
« Le premier effet de l’épidémie a été de modifier notre façon de percevoir la rue, et en particulier les trottoirs étroits avec lesquels les gens sont devenus inconfortables. Les commerces ont adapté leur espace et on voit apparaître partout des terrasses sur les places de stationnement dans la rue pour augmenter la surface disponible des bars, des cafés et des restaurants », remarque-t-il. Mais les transformations ne se limitent pas à l’extérieur, et de poursuivre en expliquant que les habitations trop petites sont aussi à reconsidérer à cause du télétravail. Beaucoup d’entre elles qui n’avaient que de tout petits bureaux sont devenues trop exiguës. Au contraire, on voit de nombreux immeubles de bureaux en centre-ville se désertifier. Il y a maintenant trop d’espace bureautique comparé aux nouveaux besoins.
L’impact suivant intervient sur toute l’industrie des services qui étaient reliés à ces lieux de travail. Les salles bruyantes et bondées des bars et des restaurants qui vivaient de la présence des travailleurs ne sont plus acceptables dans les conditions actuelles. On note les mêmes effets sur les lieux de vie publique comme les bibliothèques, les écoles et les gymnases dans lesquels les distances doivent maintenant être respectées. Il est possible qu’avec un vaccin efficace, tout revienne exactement comme en 2019 mais nous n’en prenons pas le chemin actuellement.
Des déplacements gratuits pour lutter contre le renouveau de l’automobilisme
Interrogé sur la problématique des transports en commun, le professeur ne cache pas son désarroi face à la situation actuelle. « L’état de l’utilisation des transports en commun est très triste car ils nécessitent énormément de ressources pour fonctionner », et de préciser que « les gens l’ignorent mais le prix d’un ticket de bus ne couvre que le tiers du coût réel d’un trajet, et ce sont les contribuables qui payent la différence. Nous perdons déjà des milliards dans leur fonctionnement chaque année… ». Il s’attend d’ailleurs à une hausse de congestion sur les routes dans les mois qui viennent. « Rendre les transports en commun gratuits serait une solution pour éviter que tout le monde ne se mette à utiliser sa voiture », tout en notant que les vendeurs de voiture, neuves ou d’occasion, ont vu beaucoup de nouveaux clients arriver depuis qu’il leur a été permis de rouvrir. « Cela va créer de nouveaux problèmes sur les routes et les autoroutes qui sont déjà surchargées. Il faudra prendre des décisions à ce sujet mais aussi penser à la façon dont nous allons entreposer ces nouveaux véhicules », ajoute le professeur.
Il note cependant que beaucoup de gens ont fait le choix de l’utilisation du vélo, et notamment une augmentation massive de l’utilisation de bicyclettes électriques. Interrogé sur la viabilité de cette solution à
Vancouver et sa pluviométrie légendaire, il répond que « les conditions sont souvent bien plus dures à Calgary et à Toronto, et pourtant cela semble bien marcher dans ces villes ».
Quelle solution pour nous préparer à la prochaine épidémie ?
Interrogé pour savoir quelle innovation permettrait de lutter efficacement contre ce type de pandémie, sa réponse est surprenante : des logements abordables pour les gens non loin de leurs lieux de travail. En limitant les déplacements et en diminuant la part du budget consacrée au logement on augmente le niveau de vie général, et cela contribue à lutter contre l’épidémie, car il ne faut pas oublier que ce sont les pauvres qui sont les premières victimes de la COVID-19. Les chiffres le montrent au Canada mais aussi dans le monde. « Nous avons abandonné la politique du logement abordable dans les années 1990. Il serait temps de songer à y revenir », affirme Patrick Condon.