Faire la promotion des arts de l’Islam

Le 18 novembre aura lieu la première Journée internationale de l’art islamique proclamée par l’UNESCO. Comment la communauté musulmane de Vancouver a-t-elle reçu cette nouvelle et comment se prépare-t-elle à la célébrer ? Deux artistes locaux, qui oeuvrent eux aussi à faire connaître la contribution de cette civilisation au monde, livrent leurs délicatesses et leurs espoirs. L’occasion également de dissiper certaines idées reçues.

Photo de Bilal Hammoud

Il convient d’abord de préciser ce que désigne l’art islamique. Ce terme polysémique créé au 19e siècle par les Européens couvre un vaste champ, historique et géographique : raison pour laquelle les experts peinent encore à s’accorder, comme le rappelle l’Institut du Monde arabe. Stricto sensu, il caractérise l’expression artistique des populations de l’Islam, religieuses ou civiles. Cette journée internationale a pour objectif d’encourager sa valorisation et de faire saisir l’influence de cet art vieux de treize siècles sur d’autres mouvements artistiques, comme indiqué dans le rapport de l’Unesco. Notons également qu’en 2007, le Parlement canadien a proclamé le mois d’octobre celui de l’Histoire de l’Islam, observé nationalement.

Rendre visible ses multiples facettes
La pureté des palais d’Andalousie, la géométrie des arabesques aux détails infinis, le turquoise enivrant de la mosquée de Samarkand, l’incrustation sur métal, la finesse des écritures cursives : on a tous en tête une représentation de l’art islamique. A Vancouver, seuls les édifices religieux offrent un repère visuel. C’est d’ailleurs principalement dans ce cadre qu’aujourd’hui il se matérialise, comme l’explique Bilal Hammoud, un infirmier d’origine libanaise et artiste spécialiste de calligraphie. « L’organisation d’évènements autour de l’art islamique se déroule beaucoup par le biais d’institutions religieuses, » commente-t-il.

Incrustation sur métal,
art islamique d’Algérie. | Photo par Gratianne Daum

Or, si ce cadre participe à un élan et une transmission de savoir, il se révèle également un frein. Bilal Hammoud précise qu’en raison de ce lien, les organismes« ne sont pas éligibles pour des financements » qui seraient octroyés à la culture et aux arts, et qui permettraient donc un développement de manifestations à caractère public. Il a cependant su contourner cet obstacle à plusieurs occasions. Très actif pour donner une meilleure visibilité des arts de l’Islam, il a fondé Mirhab Art and Culture Canada en 2012, une organisation à but non-lucratif, membre du réseau BC Alliances for Arts, qu’il souhaite utiliser comme plateforme de diffusion. En 2016, il a reçu le prix de Chef de file en matière artistique décerné par la ville de Richmond au titre d’ambassadeur culturel du centre islamique municipal Az Zahraa.

Incrustation sur métal de l’art islamique. | Photo par Gratianne Daum

De la difficulté d’être polymorphe
Une deuxième difficulté à assurer le rayonnement des arts de l’islam tient au fait même de sa pluralité : treize siècles d’histoire, une géographie parsemée sur trois continents et une myriade d’ethnies ayant chacune apporté sa contribution. C’est ce que soulève Nikhat Izhar Qureshi, une artiste d’origine pakistanaise qui donne des cours au centre des arts islamiques de Colombie-Britannique basé à Richmond. « Les musulmans au Canada viennent de différentes régions avec leurs traditions propres, leurs langues ou dialectes. Et il est difficile d’identifier un centre névralgique. (La visibilité de l’art islamique) dépend en grande partie des évènements spéciaux, des expositions et la façon dont les artistes font leur promotion », clarifie-t-elle. C’est également ce que pense Bilal Hammoud, et d’ajouter qu’à cette « diversité de la communauté musulmane », un défi chronique à la diffusion est que « pour organiser des évènements, il y a peu d’endroits qui puissent accueillir les artistes de différents groupes et ethnies et ainsi construire un réseau afin de coordonner les efforts ».

Une journée qui oblige
Si la solution ne vient pas de l’intérieur, tous deux espèrent que la mise en lumière de la palette des arts islamiques sera déclenchée par cette journée désignée. « C’est une chance de célébrer ce que les musulmans ont contribué au Canada. C’est une chance pour tous d’en apprendre davantage sur la communauté musulmane et la richesse de nos pratiques artistiques », s’enthousiasme Bilal Hammoud. Et pour cette raison, il recommande à celles et ceux qui souhaitent célébrer cette journée de rentrer en contact avec un ou une artiste ou bien de se renseigner sur des cours en ligne. Pour Nikhat Izhar Qureshi, cette journée est d’autant plus appréciée qu’elle était nécessaire. « J’étais bien sûr ravie d’apprendre la nouvelle en pensant à la sensibilisation que cela allait créer partout dans le monde», s’exclame-t-elle. « Moi qui suis très engagée dans l’organisation d’évènements communautaires, cela fait du bien d’avoir un jour désigné. ». À long terme, elle confie espérer que les célébrations deviennent aussi importantes que celles du Nouvel An chinois.

En raison de la pandémie de COVID-19, aucune célébration publique n’est programmée.
Le Centre d’études comparatives musulmanes de l’Université Simon Fraser constitue une bonne alternative pour un éveil à la culture islamique. Le centre est également à l’origine des célébrations du mois d’octobre de l’Histoire de l’Islam, et possède son site propr www.islamichistorymonth.ca

Art islamique de Nikhat Qureshi. | Photo de Nikhat Qureshi