Noroozetan pirooz (joyeux Norooz, jour neuf). A l’occasion du Printemps, synonyme de renouveau, 70 millions d’Iraniens et 230 millions de personnes à travers le monde célèbrent le Nouvel An perse. A Vancouver, ce 1391ème Norouz est l’occasion pour les 70 000 membres de la communauté iranienne de se rapprocher de leur pays. Basé sur l’Hégire (migration du prophète Mahomet de la Mecque à Médine), l’événement survient cette année un peu plus tôt qu’à l’accoutumée en raison du calendrier solaire iranien. « Le Nouvel An iranien commence le 21 mars mais l’équinoxe de Printemps arrive, cette fois ci, le lundi 19 mars à 22h35. A ce moment précis, tous les membres de la famille doivent être ensemble », explique Nassreen Filsoof, Présidente de la Canadian Iranian Foundation.
Une culture à préserver
La fête se prépare en amont par un grand nettoyage de la maison et l’achat de nouveaux vêtements. Vient ensuite le jour tant attendu où les foyers ornent leurs tablées de sept objets dont le nom commence par la lettre S ou sîn en farsi. Miroir, bougies, poisson rouge, blé, fruits, pièces de monnaie… chaque élément revêt une dimension symboli-que à l’image du samanu, pâte sucrée qui signifie l’abondance. Parmi eux se glisse souvent un recueil de poésie dont la lecture est fréquemment donnée lors des événements traditionnels.
« La poésie est l’essence de la culture perse », déclare Nassreen Filsoof. Nous avons beaucoup de poètes célèbres comme Hafez, Sadi, Khayam, Ferdousi et Rumi dont les textes ont été traduits dans beaucoup de langues. » Loin d’être désuètes, ces rimes font encore écho dans le cœur des plus jeunes qui savent en apprécier la saveur littéraire. « La poésie a constitué un divertissement pendant des milliers d’années et reste un passe-temps national », témoigne Massoune Price, anthropologue en sociologie. Au-delà des loisirs se cache aussi la volonté de préserver la culture d’origine. « Les Iraniens sont très fiers de leur héritage, ils veulent le garder et le transmettre aux générations suivantes », ajoute Nassreen Filsoof. Une manière de vivre que la communauté a su allier à la culture nord-américaine.
Une diaspora tourmentée et bien adaptée
Pour beaucoup, contraints de fuir, l’exil a commencé suite à la révolution islamique de 1979. « Au départ, il s’agissait essentiellement de familles issues de la haute société ou des classes moyennes et dont les membres avaient reçu une bonne éducation.
Depuis, cette émigration s’est étendue à toutes les couches sociales », confie Massoune Price. On estime aujourd’hui la diaspora iranienne de deux à trois millions de personnes, la plupart ayant opté pour des pays occidentaux. Un choix à priori peu évident au regard des différences culturelles.
Déchirés par la situation de leur pays, les expatriés se sont pourtant adaptés avec facilité à leur nouvelle réalité. Un constat que Nassreen Filsoof impute à la façon de vivre des Iraniens avant 1979 : « Avant la révolution, les femmes étaient libres de porter le voile ou non.
Les chrétiens, les musulmans et les juifs vivaient en harmonie. Les différences importaient peu ». Certes, des écarts de comportement existent entre les générations et les immigrants plus ou moins récents, mais la majorité semble s’en accommoder.
« Même si certaines familles peuvent être offensées, il est très rare de voir des parents aller contre la volonté de leurs enfants », note Massoune Price.
A 92 ans, Houshangh Seyhoun, architecte de renom et éminence grise de la communauté, ne dit pas le contraire : « Ce qui m’intéresse, c’est la modernité et le progrès. »
Un progrès que les membres de la communauté appellent de leurs vœux pour l’Iran. Plusieurs personnes rencontrées ces derniers mois ne cachent pas leur opposition au régime de Téhéran… sous couvert d’anonymat.
Même à 11 000 kilomètres de là, les langues ont du mal à se délier par peur de représailles. Rappelons tout de même que l’Etat iranien souhaitait autrefois interdire Norouz, reprochant les origines païennes de la fête.
« Je suis désolée car les Iraniens sont des gens pacifiques et ce que le gouvernement fait n’a absolument rien à voir avec eux », regrette Nassreen Filsoof. Un contexte politique explosif qui continue d’isoler le pays, mais n’a heureusement pas rompu les liens culturels internationaux comme cela peut se vérifier avec les Français.
French touch et Persian connexion
Même si l’Histoire récente invite à la prudence, Sarkozy ou Hollande et même Harper au Canada n’iront probablement pas de sitôt en vacances chez leur « ami » Mahmoud.
Politique mise à part, on observe à Paris comme à Vancouver que la relation passe naturellement bien entre Français et Iraniens.
Depuis le Haut Moyen-Age, les deux pays ont entretenu des relations à but commercial ou culturel, si bien que certains mots de la langue française sont aujourd’hui dans le dictionnaire farsi. Offrez ainsi un cadeau à un Iranien et il vous répondra merci.
« J’ai de très bons amis français et je trouve leur culture proche. Quand ils essayent de parler Farsi, leur prononciation est vraiment bonne », commente Anahita.
Quant à Houshangh Seyhoun, diplômé des beaux-arts de Paris, il apprécie avant tout « le sens de l’humour des Français, proche de celui des Iraniens. » En des circonstances qui ne prêtent pas toujours à sourire, c’est déjà ça de pris.