Ce devait être le moment fort de son cursus universitaire, l’épiphanie d’un parcours de la Malaisie à SFU en passant par la France et la rive gauche du Rhin. Comme dans tous les autres secteurs, le virus de la COVID-19 a débarqué et a tout chamboulé.
Victoria Chua a 22 ans. Canadienne, elle grandit cependant en Malaisie avec l’anglais pour langue maternelle tout en apprenant le français. En arrivant au Canada en 2016, elle se destine à une carrière d’institutrice à l’école primaire et s’inscrit à SFU pour obtenir la formation adéquate. Pour valider son diplôme, elle a besoin d’effectuer un stage de fin de parcours dans un endroit francophone au choix, le Québec ou la France. Elle choisit la France, qu’elle a toujours voulu visiter, et se fixe sur le siège du parlement européen : l’alsacienne Strasbourg. Le séjour démarre très bien, l’accueil est très agréable et les cours passionnants mais la belle histoire va bien vite se transformer avec l’arrivée de la pandémie.
« Au début, les gens en France étaient très calmes », raconte la jeune étudiante. « Il n’y avait aucune tension, aucune panique. Pas de ruée dans les supermarchés dont on entendait parler ailleurs. Jusqu’à début mars il n’y avait aucune tension; puis tout a changé ». Certes, il est impossible de trouver le moindre masque dans les pharmacies (le gouvernement français les réserve au personnel soignant) mais elle s’arrange pour en recevoir de sa mère restée en Malaisie. Cependant, les Français ne semblent pas particulièrement se ruer sur ce moyen de protection qu’ils connaissent mal, dit-elle.
L’incertitude du lendemain
Commence alors une période angoissante pendant laquelle il faut se résoudre à abandonner le stage et trouver un moyen de rentrer au Canada. C’est aussi le moment où l’on connaît les premiers troubles avec les gens qui se ruent sur les pâtes et le papier toilette. La situation devient compliquée. « On ignorait si on allait nous laisser rentrer au pays, même si en tant que citoyenne canadienne je pensais bien qu’on ne pouvait pas nous en empêcher », raconte Victoria Chua.
Au même moment, le président français annonce le confinement du pays et la fermeture des frontières. L’étudiante parvient néanmoins à attraper un vol pour le Canada. Le voyage en lui-même est très étrange car les passagers sont isolés, chacun sur son rang. Les masques ne sont pas encore obligatoires dans les avions (on ignore alors comment circule exactement le virus) ce qui n’empêche pas Victoria de porter le sien. « Pourtant, je me sentais vraiment en sécurité grâce aux mesures prises par les compagnies aériennes », affirme-t-elle. Si les études confirment pour la plupart que le risque d’être contaminé en avion est faible, il en va autrement une fois sorti de l’aéroport, lorsque la vigilance se relâche. Il aura fallu moins de huit mois pour que la quasi-totalité des pays du globe soient touchés par la pandémie (contre presque trente ans pour que la grippe espagnole contamine l’ensemble de la planète entre 1889 et 1919).
L’arrivée au Canada impose à Victoria Chua un isolement dans sa résidence sur le campus. « Mais il n’y a eu aucun contrôle, aucune vérification de la part de la police. A l’aéroport, les douaniers se sont contentés de nous donner un papier résumant les gestes et les comportements à adopter et… c’est tout, » partage-t-elle.
Une tranche de vie qui disparaît
Désormais, Victoria Chua se sent plus en sécurité au Canada. « Au moins ici je dispose d’une couverture sociale, je ne sais pas du tout comment cela se serait passé en France », confie-t-elle. Pendant ce temps, les nouvelles de Malaisie lui font mesurer les différences de politiques entre les pays : « Là-bas, le confinement a été très dur et assez musclé »
Comment prend-elle les évènements qui l’ont privée d’une fin de scolarité normale ? Avec philosophie. « La COVID-19 a affecté tout le monde de façon plus ou moins forte. On a eu l’impression de perdre tout contrôle de notre environnement mais je ne suis pas triste car beaucoup de gens ont perdu beaucoup plus que moi dans cette crise », conclut-elle.