L’exposition Feast for the Eyes (Festin des yeux) parcourt la riche et durable histoire de la photographie gastronomique sous ses différents styles. Basée sur le livre éponyme de Susan Bright et Denise Wolff, elle est présentée par la galerie Polygon de North Vancouver du 4 mars au 30 mai.
Quels aliments sont universels d’une culture et d’une époque à l’autre ? De quelles photos gastronomiques se souviendra-t-on ? Composante devenue incontournable de notre vie contemporaine, l’exposition présente comment, à travers les années, les aliments que nous mangeons façonnent notre personne et notre perception du monde.
Les deux commissaires de l’exposition partagent les motivations de ce sujet et leur façon d’adapter le contenu du livre en installation physique.
Préparation du menu
Susan Bright explique que son penchant pour la photographie culinaire lui vient d’un séjour à Londres dans les années 90, aux prémices de la culture foodie : « Les restaurants et les chefs étaient (considérés comme) des stars de rock. C’était aussi un temps où j’ai commencé à cuisiner et, comme beaucoup d’autres de ma génération, je me suis servie d’une nouvelle vague de livres de cuisine ». Elle poursuit : « (Ils) étaient différents des livres d’auparavant. Ils racontaient une histoire ».
Un autre moment de sa vie a accru son intérêt pour cet art. Elle était alors commissaire de l’exposition How We Are : Photographing Britain (Comment allons-nous ? Reportage photo de l’Angleterre) dans lequel était inclus un livre de cuisine. « Nous voulions montrer que ce n’était pas seulement un outil pratique. Ces livres représentent une nation, ses aspirations et comment ils se présentent au monde », explique-t-elle.
Susan Bright donne alors l’exemple des recettes telles que les caris Ceylan ou les salades scandinaves, concomitants à des vagues d’immigration dans le pays :
« C’est alors que j’ai commencé à voir les livres de cuisine comme l’histoire de nos sociétés ».
Denise Wolffe abonde en ce sens : « Un tel livre n’est clairement pas à caractère didactique : il ne s’agit pas de nourriture mais de représenter un style de vie.
Recherche des ingrédients
Pour les besoins du livre, elles expliquent avoir utilisé un chercheur en photos. Une fois la sélection faite, toutes deux les ont placées devant elles : « Nous avons vu des thèmes récurrents, et l’histoire de comment la nourriture a été photographiée s’est présentée devant nous ».
Le processus entier a pris deux ans. Susan Bright ajoute que beaucoup de travail a été nécessaire concernant les photographies commerciales. « Souvent (celles-ci) ont été omises dans les documentations plus canoniques de la photographie », souligne-t-elle. « (Elles) ont longtemps souffert des hiérarchies et des jugements de valeur ».
Selon elle, les sujets de photographie dits populaires sont dédaignés par les historiens : « Ce n’est que relativement récemment que les académiques leur ont prêté attention ».
Autant d’informations sur lesquelles elles se sont appuyées pour inclure tous les styles et assurer une représentation des plus exhaustives.
Entrée, plat, dessert
En fusionnant l’approche artistique et les aspects plus sociologiques de ces représentations dans notre patrimoine sociétal, elles ont conçu l’exposition autour de trois thèmes, à la différence du livre organisé chronologiquement. Denise Wolff l’explique par le fait que cela n’aurait pas eu beaucoup de sens de suivre une conception linéaire et temporelle : « L’exposition est un organisme vivant qui peut s’ancrer plus directement dans le moment présent ».
Susan Bright complète en disant que l’exposition traite à la fois de nos réactions physiques à la vue de photographies de nourriture mais aussi de notre ressenti intellectuel : « Nous avons pensé qu’il était essentiel de prendre en considération toutes les photographies d’une façon très vaste et traitant des extrêmes : le grotesque autant que le glorieux ».
Certaines photographies remontent à 1868 avec le poète gallois Robert Crawshay, jusqu’à des artistes très contemporains, tels le français JR.
De ce travail, Susan Bright a trouvé particulièrement fascinant les différentes tendances concernant les techniques : des prises de vues très formelles aux plus décontractées. Denise Wolff aime à citer quant à elle le travail de Nan Goldin représentant une scène de pique-nique : « Je ne me lasse pas de la joie de chacun se servant du gâteau sans retenue manifeste. Leur rire est communicatif ».
Toutes deux précisent que l’idée du livre leur est venue bien avant la pandémie, en 2015, et s’amusent en pensant que les gens auront sûrement le contexte actuel en tête : « Nos vies actuelles sont plus que jamais centrées sur la nourriture ! ».
Feast for the Eyes, du 4 mars au 30 mai à la Polygon Gallery. Renseignements sur les dispositions sanitaires et conditions d’accès sur le site
www.thepolygon.ca