L’intelligence artificielle dans la création artistique

Philippe Pasquier, professeur et chercheur à l’école de l’art interactif et des technologies School of Interactive Arts & Technology (SIAT), a présenté son œuvre d’art génératif Autolume Mzton à la galerie Akbank Sanat d’Istanbul, Turquie, dans le cadre du Dystopia Sound Art Festival, qui se déroulait du 9 mars au 15 juin dernier.

Autolume est une œuvre d’art audiovisuel avec un système qui génère les visuels en temps réel selon la musique. Dans l’art génératif, l’artiste élabore le processus, souvent un algorithme ou un programme, et le processus fait l’œuvre.

Avec son laboratoire Meta-creation Lab, il travaille sur l’intelligence artificielle pour les tâches créatives comme en peinture, en vidéo ou en musique.

La technique derrière l’oœuvre Autolume

D’après M. Pasquier, cette pièce utilise le deep learning, une série de techniques nouvelles en IA, où il y a un réseau de neurones, qui s’entraîne en regardant plusieurs tableaux. Le système peut générer un espace latent, un espace abstrait et continu avec très peu de dimensions dans lequel chaque tableau va être encodé.

« Si je bouge entre la position d’une peinture et la position d’une autre, alors ça va générer des peintures ou des visuels qui sont tous différents les uns des autres, aussi (générer) de manière importante différentes données que le système a apprises », ajoute-il.

Philippe Pasquier. | Photo de Philippe Pasquier

La version à Istanbul n’était pas présentée en temps réel à cause de la COVID-19. Il y aura plus tard une version dans un espace immersif en temps réel où il y a un système qui génère la musique, et puis Autolume qui écoute et qui génère la vidéo, de sorte que le matériel produit est toujours renouvelé.

« Le son est tout autour où il y a cette présence de cette musique électronique, abstraite, avec beaucoup de basse et de textures très riches, qui nous transforme dans un univers un peu primordial qui fait des références au son naturel qui se passe sous terre », explique le chercheur.

La puissance et les limites de l’intelligence artificielle créative

« Si je devais faire l’édition de film à la main, alors pour faire la connexion entre le son et l’image, ce serait presque impossible d’être aussi précis. Chaque image, 24 fois par seconde, il faut vraiment que l’image fonctionne avec ce qui se passe dans le son », exprime M. Pasquier.

Au-delà de l’automatisation des tâches de manière précise, l’intelligence artificielle rend au médium lui-même un certain niveau d’autonomie si on lui donne énormément de données. Il prend sa part dans la création. L’artiste devient donc aussi le spectateur de ce propre processus qui soit non déterministe.

En revanche, même s’il est plus facile d’automatiser les tâches de raisonnements avec la machine, cette dernière n’a aucune créativité et manque de la capacité corporelle d’un humain. L’artiste développe le processus, souvent un algorithme ou un programme, et le processus fait l’œuvre.

« L’interprétation est plus difficile que la composition de la musique. C’est bizarre parce que, dans le monde humain, on donne beaucoup de crédit aux compositeurs, on oublie l’orchestre et le musicien. Jouer de la musique c’est une histoire du corps, et automatiser les tâches corporelles, là c’est beaucoup plus difficile », déclare Philippe Pasquier.

Applications industrielles

L’intelligence artificielle peut potentiellement éliminer les tâches mécaniques effectuées lors de créations artistiques.

« L’intelligence artificielle est en retard dans le domaine artistique. Quand on ouvre Photoshop, l’artiste doit avoir en tête ce qu’il veut faire et doit cliquer sur des boutons, un par un, jusqu’à ce que ce soit fini. On ne peut pas dire à la machine, c’est ça comme inspiration, donne-moi les variations », explique le professeur.

Par ailleurs, selon lui, la créativité assistée par l’ordinateur sert à démocratiser l’art ou le design.

« On n’a pas besoin de connaître la musique, on peut juste générer la musique, ou décider j’aime ça ou je n’aime pas ça », ajoute-il.

Metacreation Lab travaille en ce moment avec des compagnies industrielles pour intégrer les algorithmes créatifs et les systèmes génératifs dans les logiciels musicaux.

Son équipe a récemment présenté une chanson rock n’roll dans la compétition AI Song Contest 2021, tout en travaillant sur un nouvel album de musique électronique, qui sortira à la fin de l’été.

Découvrez les projets de Philippe Pasquier et du Metacreation Lab : www.philippepasquier.com, www.metacreation.net

Écoutez et votez la chanson de Metacreation Lab dans la compétition AI Song Contest 2021 : www.aisongcontest.com